
Elle va
à l’orée du monde
attend
pose
lentement son regard
de gemme fendue de la seule
larme noire de la nuit
sur le mur tu ne vois
que les signatures et les ombres
abandonnées
par ceux dont on
ne sait rien.
Elle va
à l’orée du monde
attend
pose
lentement son regard
de gemme fendue de la seule
larme noire de la nuit
sur le mur tu ne vois
que les signatures et les ombres
abandonnées
par ceux dont on
ne sait rien.
Ce que les mots manquent
l’iris sur le point de fleurir
le dévoile
le jour est un néant
la nuit le remplit
de rêves qu’il jette par dessus bord
les larmes lorsqu’elles ne peuvent plus s’échapper
restent dans la gorge en lui faisant mal
et le coeur se suspend dans la cage thoracique
comme une lourde goutte noire
froide et inutile
La nuit tombe
Les fleurs échangent dans une langue dont j’ignore la véritable ampleur
Elles parlent
alors que j’apprends que mon âme est semblable au ver
qu’elle mange dirait-on de la terre et tout ce qui lui
tombe
par dessus la tête.
Ce que j’arrive à entendre
l’arbre et le vent
les vagues miment la turbulence des pétales jaune pâle de la rose
ce que je parviens à comprendre
rien
alors dit-on il faudrait que j’invente
ce qui inexorablement existe déjà
Toujours j’espère te reconnaitre
quand je m’approche de ta nuit
mais toi tu préfères pour l’instant que je pense
que tu n’existes pas et que tu ne niches pas
là
où les sommets te plongent dans le silence et les ombres
Si j’entends le bruit d’une aile
ce ne sera pas la tienne mais celle de la sittelle qui niche tout en haut de l’échelle
si je vois quelques bûches trembler je sais que derrière elles se cache le tout petit animal qui semble aussi faire partie de ton menu quand tu te réveilles et voles et survoles
Toujours j’attends la peur au ventre
l’instant où je te surprendrai dans ton sommeil
et que tes deux soleils s’ouvriront pour sonder s’il est temps
que je dorme un peu plus longtemps
La nuit cette étrangère refuse de passer ma porte
ouverte
elle siffle et grince de tous les insectes qui l’habitent
ivres
ils préfèrent être
entendus plutôt que vus et
dévorés
la nuit est fraîche la pluie est encore sur la colline et la lune est de ce côté-là.
la nuit danse ou marche ou est-ce sa soeur la mer
qui jette vers la lumière des papillons d’écume
soudain gracile
la petite féline fait son entrée
elle trottine vers la cuisine où des parfums alléchants de nourriture
l’attendent
elle mange
et puis part
la nuit a quelque chose à lui dire
le secret hallucinant qu’elle réserve aux chats
seulement
Parmi les nuages
la nuit
l’hiver
le froid
la pluie
la lune
elle finit par descendre et se pose
sur les branches d’un pin aux aiguilles argentées
elle choisit sûrement celui
qui la suivra un jour
enfin ce sera moi
parmi les nuages
la nuit
l’hiver
dans le froid et la pluie
je vois ton visage celui
que tu n’avais pas alors
que tu étais encore en vie
non
ce n’est pas la toile de l’épeire
tendue entre deux rayons de lumière
ce ne sont pas les pas des feuilles mortes
ni de celles qu’on a immortalisées dans un herbier
ce n’est pas la peau délavée par les marées d’un vieux rocher abandonné
ce n’est pas l’empreinte dans la terre desséchée d’une maladie sournoise
qui a toujours existé autour de la pauvreté
ce n’est pas la coquille de la noix ni celle de l’amande
ce n’est pas de ces cailloux que l’on plante en soi à la place de l’âme et du cœur
ce ne sont pas vos peurs et les miennes bien réelles
pas plus que celles qu’on s’invente
ce n’est pas l’éléphant sans défenses, le rhinocéros blanc auquel comme s’il s’agissait d’une vielle racine on a arraché la corne pour en faire un trophée.
ce ne sont pas tous les corps échoués sur nos plages, calcinés dans nos forêts parce qu’ils croyaient pouvoir s’y réfugier.
ce n’est pas sa main, il ne la tend jamais
ce ne sont même pas ses rides il ne voudrait pas les reconnaître
ce n’est pas sa salive, sa bave quand il invective les foules pleines de rage
je n’ai pas de temps à consacrer à ce genre d’erreur
non
ce serait plus exactement ce que tu vois au travers de longs cils noirs
quand ton regard n’est pas encore un regard
quand tu entrouvres les yeux et que se soulèvent à peine tes paupières
comme des pétales de lune
tu vois les minuscules choses que contient la lumière et qu’autrement on ne remarque même pas
tu vois flotter des filaments des vers presque transparents et les fantômes et les ombres
tu te vois comme une infime particule et pourtant tu nais d’une longue nuit de sommeil
Images: Bertrand Els 2017 via son blog
La nuit s’écoule dans mes veines avec un goût de fleurs. Voilà que le vent hisse ses voiles dans les feuilles. Les arbres de l’avenue deviennent de géantes nacelles. Elles tiennent, elles sombrent, elles remontent de leurs racines la dernière sève avant l’hiver. Vagues les parterres alourdis de feuilles mortes, vagues les trottoirs humides, vagues les bancs, seule comme un courant, la route va vers le large.
·
Mon corps désormais s’arme de bras et de jambes impossibles à soulever. Lourds comme une ancre. Pourtant, mon point d’attache ne se situe pas au centre de mon corps, j’auréole avec le vent, je cherche entre les branches presque noires l’espace suffisant pour un dédale. Les cheminements impossibles des mots dans mon cerveau. C’est là parait-il que se logent l’âme, la conscience. Je sens que leur place s’étend dans ce qui tétanise ma chair, la masse méconnaissable qui gravit autour des os, qui s’agglutine autour des réseaux libres de l’idée que j’ai de moi-même.
·
La nuit ronronne comme un félin solitaire qui rode obscur. Déjà, il est loin. Invisible. Je cherche ce qui correspondrait à une empreinte, le signe de ce qui furtivement n’existe que par la trace olfactive que laisse un souvenir. Je sais au fond qu’il n’est rien en moi et de ce qui naît à ma portée qui vaille que je les traduise.
·
La nuit finit en queue de poisson. Je ne suis pas certain que ce qui se présente autour du soleil et entre chez moi soit bien ce qu’on appelle: « Jour ».
source image
Hier une méduse
effleurait de ses
tentacules blancs
l’autre versant de
la colline bleue
Ensuite poussée
par le vent elle
a gagné le large
agrandissant
son ombre en
même temps
que la nuit mauve
entre ciel et mer
le temps s’est
perdu la méduse
a disparu
Seuls quelques
filaments blancs
comme des phrases
incomplètes
ne finissaient pas
de se disperser
dans mon esprit
médusé
la nuit n’a ni
visage ni mains
juste un corps et de vagues jambes
qui ne la portent presque pas
brune brumeuse elle bruit
déjà naissent les premières paroles du jour
un bus passe sans ralentir
la route noire luit
les arbres s’efforcent au silence
au loin l’air tremble
je me tiens là debout à peine
éveillée