Pluie

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Il pleut et
le ciel est rempli de coups
de griffes
il pleut et
chaque goutte est l’écho d’une autre
le vent avance
en froissant les frondaisons
des oliviers
le pin d’Alep avale de grande bouffées d’air frais
il pleut et il se peut
que partout ailleurs il pleuve aussi
dans mon thorax
sur mes bras
dans mon ventre
sur mes jambes
dans ma bouche
sur mes lèvres
il pleut et
mes larmes
comme de petits raz de marée
passent d’une vague à l’autre
de pointe de poignard en éclats coupants
il pleut et
la pluie est emprisonnée dans l’espace chiffonné
d’un kaléidoscope
il pleut et
je peux à peine distinguer
cris et écrits hallucinés
pluie et
nuit nuisent désormais à la clarté
de mes pensées
se peut-il que l’obscur
désir d’exister ne soit plus
qu’une pluie
de plus
d’étoiles
d’éclairs
du passé


Source image:

Bartosz Wajer

http://blindself.tumblr.com/

 

Sommeil

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© Nan Goldin

La nuit mange
chacune des heures
où je ne trouve pas le sommeil

Le bovin digère
allongé sur la mer

chaque vague
reproduit le bruit
de la mâchoire
du ruminant

le chant des heures
fleuri par tant de secondes
immortelles
caresse l’échine
ou le cœur

calice où le sang
reproduit les battements
affolants du souvenir

au cœur toujours
il y a toi
ta voix
comme un pollen
que butinent les étoiles

En friche

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Straw-colored Fruit Bat Eidolon Helvum, Ben Van Den Brink

Entre
ce venin
et
mes articulations
l’espace libre
laissé en friche aux secondes

chacune
comme un grain
grippe
mes mouvements
afin que je n’avance
jamais
souplement

des gonds rouillés
grincent
grondent
ponctuent
vagues
tornades
granuleuses
torsions

mes os sont toujours sur le point
de se réduire en poudre


Parfois par un soupirail
des lambeaux de souffrance s’échappent
Je les contemple
battre de l’aile


Parfois en rêve
j’échange mes chauves-souris
vampirisantes
contre
les quelques gouttes phosphorescentes
du crépuscule
afin que survienne la trêve

 

Bruissé

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Le temps se liquéfie et   la mer muette oublie les vagues
Au milieu de la nuit     les premiers bourgeons du mimosa sont
Bleus

L’effluence dorée de tous les soleils anciens sommeille
Encerclée de la bogue
de l’hiver
Mon souvenir     précis     infime     fort     comme un spore
Rôde encore incertain

Buisson né d’un autre buisson
De racines il échappe sans cesse à l’effondrement de lui-même
Parfois     il s’aperçoit     incarnat sombre lui
Et son incendie d’écritures     fouillent
La nuit

Parfois je l’aperçois et le suis
Buisson de bruits

Nuée

Motohika Odani
Motohika Odani

Ma vie est un nuage, elle condense les secondes comme des gouttes. Elle n’est que vapeur. Parfois elle neige, elle nage en formant des flocons, se glace dans des aller-retour inutiles, elle voyage sur une toile aux dimensions multiples. Ma vie n’a aucun sens.

Elle est une carte sur laquelle coulent des routes. Des rivières dorment dans leur lit, d’autres sont assez sauvages pour former la mer. Ma vie me berce d’un instant à l’autre, elle se plante.

Les moments de pause sont le cadre précis à l’intérieur duquel j’évolue en reposant à mes idées d’insipides questions, improbables méduses colorées dont les tentacules prennent fin à l’orée de ce qui s’appelle l’horizon.

Je ne comprends pas pourquoi certains le confondent avec le futur. L’horizon est cette vitre, c’est une bulle qu’aucun d’entre vous n’aperçoit.

Ma vie se charge d’effacer celle que je suis, celui que je ne pourrais être en créant des orages. Regardez comme ma robe pommelée se recouvre de larmes de pudeur. Je me mets à disparaître et à renaître sur les pétales. Je pose ma bouche sur la mer. Je marche la nuit dans les jardins qu’embaument les fleurs.

J’apprends tous les jours à me trouver de nouvelles limites. Finalement, mon but est de rester sans disparaître dans les averses, sans me fondre à cet immense désert, je reste muette dans les creux des prés avant que les troupeaux ne les broutent. Rien ne me fait plus peur que le bruit d’une mâchoire.

Puzzle

Dune I Jure Kravanja

La nuit est une pluie de flammes

Toutes cachent sous les rondeurs de leurs pétales

Ton corps contre le mien comme un bouquet

 

La nuit se glisse parfois entre nos paroles

Comme les nuages entre le ciel et la lune

Tes mains accueillent mes larmes

Ma bouche effleure ton âme

 

La nuit porte un masque de sable

Et frémit sans faire d’autre bruit

Que celui qui fait naître les étoiles.

 

Aux frontières du doute

Betra Fraval – A Time of Disappearances (2011)

 

Je vois la nuit scintillante s’avancer à pas d’insecte

comme sur la toile lisse d’un lac prêt à s’endormir

le vent se balance dans le ciel en imitant le bruissement des vagues sur la plage

j’entends la vie s’éloigner dans les songes en cassant des assiettes

en rangeant la vaisselle dans les armoires

et je me sens comme une mouche indolente qu’une araignée va dévorer

 

 

Faon

Rainforest Series, Calabash Vase. 2400 Fahrenheit
Rainforest Series, Calabash Vase. 2400 Fahrenheit

La nuit est une onde

limpide où viennent s’abreuver

les orées de mes songes et tes idées colorées

comme les faons

je ne traque aucun astre

je laisse s’évaporer les chevaux du vent

vers leurs possibles trajectoires

je sais que c’est toi qui viens là secrètement

entourée de nuages

rire danser murmurer te confier aux silences

mes nuits suivent tes ruisseaux

je me lie aux infimes lueurs et nuances

nocturnes qui s’épousent face à l’éternité