Dans le port
la mer
dans la baie
la mer
tout autour du ciel
la mer
jusqu’à dépasser l’horizon
la mer
murmure
sur le rocher parmi les mousses vertes les lichens noirs
la silhouette du Monticole bleu
La signature parfaite pour une marine
Dans le port
la mer
dans la baie
la mer
tout autour du ciel
la mer
jusqu’à dépasser l’horizon
la mer
murmure
sur le rocher parmi les mousses vertes les lichens noirs
la silhouette du Monticole bleu
La signature parfaite pour une marine
La mer telle que la rêve un olivier
La nuit suspendue un instant dans la chevelure des eucalyptus
Au large largué par les brumes
L’horizon
Source image: ici
_______________
De la mer, il ne reste plus que le ciel, son reflet à peine bleuté.
Á la place des vagues, quelques nuages ondulent faiblement.
Là, comme déposés par un pinceau papillonnant, les quelques
traits noirs d’une barque. Elle porte au milieu de nulle part le
corps vouté d’un personnage. On ne le reconnaît pas.
Le paysage implore un questionnement, s’oppose à ce qu’il
est habituellement, fluide. Muette est la réponse, elle se fige
à peine. La lumière circule toujours librement, déplace les graines
des secondes sans qu’on s’en aperçoive, sans qu’on dispose du
langage pour l’exprimer. Dire c’est dilapider.
Dans le paysage se figent les figuiers, ils ont déjà perdu toutes leurs
feuilles, la rosée et la brume. Le parfum de la terre humide. Les bordures
de l’aiguille rognent les quelques traces d’obscurité. Se pointe et se résume la virgule au cri de l’oiseau comme
si quelque chose d’amer restait coincé dans ma gorge et finissait par
germer à l’abris de la lumière. Dépourvues de chlorophylle, de sa parole de
verts flamboyants et croquant la vie, l’aubépine, la bougainvillé ou l’acanthe
s’éteignent irrémédiablement. Aucun geste même doux et docile, même aimant, même innovant ne rend vraiment la vie aux temps passés qui cogitent encore
dans l’esprit et ne finissent d’habiter mon âme à la manière des roches
des perles et de toutes nos parcelles d’éternités.
Sur la mer s’étire comme un chat sorti du sommeil
une île
bleue elle se pose entre ciel et nuages parmi les autres planètes et les histoires flottantes
je me demande pourquoi personne ne la regarde
elle
blanchie par les songes et les mille soleils
elle
et son mystère qui n’a presque pas d’épine
il faut que je l’interroge encore et encore
une illusion disent-ils à son approche
une chimère elle n’a pas de force
ont-ils vraiment tenté de se poser comme elle légère
île entre les lignes
nuageuse malgré les boues et les magmas hurlant dans ses veines
Elle s’avance toujours plus vers le point le plus extrême
à ses pieds avalanches vagues marées et prochaines disparitions marquées d’un seul signe
l’île pétrit les nuages et ils deviennent
ils et elle
à force presque des mirages dans leur lit de mousse et de mots évaporés
Parmi les nuages
la nuit
l’hiver
le froid
la pluie
la lune
elle finit par descendre et se pose
sur les branches d’un pin aux aiguilles argentées
elle choisit sûrement celui
qui la suivra un jour
enfin ce sera moi
parmi les nuages
la nuit
l’hiver
dans le froid et la pluie
je vois ton visage celui
que tu n’avais pas alors
que tu étais encore en vie
Je rêve d’un paysage qui au delà de la ligne plus foncée de l’horizon ne se reproduirait pas ridiculement identique à lui-même. Je rêve du bleu qui ne rutile pas comme les armures d’acier que fabriquent à la chaîne toutes les sociétés. Je rêve du bleu qui bien loin d’être froid, mange à grande bouchées le soleil qui se laisse un peu aller à la fin de l’été. Je rêve d’un pays né pour être contemplé, d’un pays qu’on ne peut piller.
Je rêve à la couleur de ta peau laiteuse, abreuvée par les mêmes effluves que les pétales de roses. L’onctuosité crémeuse de la chair qui se pose au milieu de l’existence et pour laquelle dans le noir, le vert, le rouge échangent sans commettre de guerres les étoffes fabuleuses de leurs manteau. Je rêve de ton front qui transpose les solitudes les plus tenaces, les moins inutiles en prose que ma langue vorace et mon oreille amoureuse entendent se battre, s’écouler, se résoudre dans ce souffle qui caresse les vagues.
Je rêve d’un tableau où je n’aurais plus à me proposer comme une tache que malgré tant d’efforts rien n’efface, je rêve d’être dans l’ombre sinueuse d’un mouvement de l’âme, je rêve d’être happée par le vol illuminé d’une méduse dont la limpidité est née là où rien ne naît. Une nuit qui ne connaît que sa propre profondeur sans limites précises. Je rêve d’être le pistil sans poison, le fil presque liquide d’une vie sans horizons. Je rêve d’un tableau où le fond serait semblable à celui de la mer. Vu du bord, il ne porte que l’infini. Vu de lui-même, il constelle comme un rêve qui ne peut aboutir.
Je rêve d’un voyage étroit comme une seconde qui galope affolé autour d’un petit grain de sable. Je rêve du bruit de l’incommodité, de l’essoufflement du gouffre, de l’impossibilité qu’ont les mots et leurs semblables, signes, ponctuations à s’arrimer à ces histoires, ce gaspillage, la salive ou la bave d’un homme qui se croit plus malin. Je rêve de jours qui n’avancent à rien, sont dépourvus du moindre espoir et n’ont que de la grâce. Je rêve d’un milieu qui ne manigance rien avec l’absolu. Je rêve du bleu presque blanc, presque noir. Je rêve qu’en fermant les yeux je me retrouve dans un face à face silencieux où je n’ai plus rien à craindre si je viens à perdre le sens de la réalité.
La mer s’est laissée sculpter dans l’acier par la tempête. Elle se cabre. Ses lames broient, ses vagues cavalent.
Un essaim de nuages bourgeonne à l’horizon, s’empare du ciel en formant des tourbillons. Les plages sont résolues, elles se taisent. Ce ne sont pas quelques petits rochers jetés en offrande qui empêcheront l’affrontement.
Toutes les embarcations humaines sont emportées par le large, elles ressemblent à des plumes, à ces quelques feuilles mortes balayées par les vents gourmands de l’automne. La témérité de l’homme est soudain réduite à si peu de chose . Elle n’est plus ni dérisoire, ni absurde : elle ne pose déjà plus de question. C’est à peine, si elle existe.
Ce n’est pas l’homme que la mer affronte, si elle se dresse ainsi c’est pour révolutionner, transformer radicalement un état trop tranquille et trop paisible : celui de nos habitudes et de nos façons de concevoir le monde en le ponctuant de convenances intellectuelles et sociales.
Le ciel devient soudain plus intransigeant que la pierre, même si il permet à mon regard de s’enfuir par un coin de lumière. Même si je devine l’éclaircie prochaine derrière son masque de nuages affolés. Le ciel prend appui sur une réverbération, sur cette ligne où il rejoint la mer, si bien qu’on a l’impression qu’ensemble ils ne forment plus qu’un.
Une seule et même masse bourdonnante, s’empare de l’espace, fige le temps.
Les bleus, les ocres, les bruns et les blancs qui moussent à la crête des vagues et qui ne sont pas sans rappeler l’élan des oiseaux marins, sont appliqués au couteau. Les couleurs ne parlent plus que pour elles mêmes. En cherchant à révéler la puissance des éléments naturels, elles révèlent la puissance de leur propre matière. La vague envahit notre esprit, suspend un temps notre regard.
J’en viens à me demander si Courbet n’a pas trouvé en elle et en ce paysage qu’il voulait représenter dans sa pleine réalité, un prétexte pour nous révéler la révolution picturale qu’il souhaite. La vague est devenue le geste puissant et total, la main du peintre, chamboulant l’espace représenté par la toile.
On dirait que le seul geste ayant encore un sens, possédant la vigueur nécessaire pour affronter les tumultes de l’existence, soit le geste de l’artiste, son brassement des formes, des matières et des couleurs. Une vague envoûtée par une tempête pétrit la réalité avec sa représentation, transforme notre vision du monde et modifie notre espace mental. La peinture seule, comme une vague, peut bouleverser l’homme au point de lui offrir l’occasion de se surpasser.
Plus simplement, j’ai l’impression que Courbet veut me faire comprendre que l’Art est devenu l’unique moyen pour l’homme d’échapper à l’ engloutissement de son existence par les rouleaux du temps et ses lames de fond.
La position la plus sûre pour contenir les tempêtes est de toute évidence, celle que Courbet s’est choisie et qu’il nous offre brillamment : celle qui se trouve derrière son chevalet et lui permet de suspendre le temps.