Orbe

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D’un même nuage mais

de façon aléatoire tombent 

des larmes sur l’eau l’onde

d’une répond à l’onde de l’autre la 

frôle et disparaît sur la terre

ferme et sèche naissent des

cratères sur la roche un cliquetis

dont le bruit ressemble à celui

que fait le sabot d’un cabri 

larmes et grains de riz évaporent

parfois les pétales jaunes d’une rose

un papillon fuit la mort  

Se libérer d’un fantôme

Il pleut

le temps peut

à nouveau s’écouler

aller de là à ici

sans que rien ne soit changé

la foudre en mer

l’orage accoudé à la montagne 

regarde

une invasion extra-terrestre frapper

ce qui peut être si loin

il pleut

ailleurs le temps se soude à l’éternité vorace

au néant et rafraîchit semble-t-il les pensées

les paroles ne parviennent toujours pas à se libérer

de leurs fantômes.

Habiter

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Je suis parvenue à mette un pied dans l’eau
ensuite comme si je n’étais plus qu’une algue
je suis parvenue à croire que je n’étais plus qu’une onde
longuement j’ai dispersé mes pensées
mes gestes
n’étaient plus coordonnés
par une volonté interne solide immuable
mais par une abstraction externe fluide
un empressement instinctif à accueillir le changement
ses vagues
manifestations
l’instant était une particule et sa position lumineuse infime
et elles étaient innombrables
je suis restée là semblable à rien
qu’un cheveu
et la partie de moi qui fut forcée à sortir de l’univers
de l’eau
fut rendue à la dure âpreté d’apprendre à exister
en tentant vainement d’avoir ce qui m’avait possédée

Filet

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©Bertrand Els

Les toiles à force de brasser

les pluies 
de couleurs, de traits

et les effacements
 se sont défaites

finies les trames

déchiquetés les réseaux

ne restent plus que les fibres

décharnées étiolées

presque libres 
vaincues

c’est qu’elles n’offrent plus

que des aiguilles de lumière

ce que je parvenais à retenir

n’existe plus

je ne me souviens qu’avec peine

de l’azur


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Résonance

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Bertrand Els

Une source
se déverse en flux
veloutés et sombres
comme si elle ne voulait
que se transmettre par
ombres

Une source
donne aux mondes
un parfum d’eau
pluie fine et galets brûlants
mélangent
les mêmes souvenirs
étranges

Une source
animale
serpente enlace
l’encre sert en secret
les sentiments

Une source
lente
s’enracine se délie
longue sentinelle
de signes étincelants
qu’enraye parfois
involontairement
mon esprit qui
tente l’écho
presque muet


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Sans nom

Early Sunday Morning by Edward Hopper
Early Sunday Morning by Edward Hopper

 

La pluie mange le ciel et tout

ce qu’il contient de nuages

mange les feuilles         jusqu’à leurs nervures

les aiguilles             jusqu’à ce qu’elles saignent

elle mange les troncs et les racines qui débordent à la surface du sol

la terre         les roches et les petits cailloux

la pluie avale les montagnes

au loin         les chemins     les sentiers

et leurs graviers que touchent tes pieds

la pluie dévore l’air le vent     et

décortique chaque mouvement

elle mange les champs    les prés        les fleurs

le bétail  les toits de ton village natal

elle mange les routes        les voitures    les passants     l’absence

et presque toute ta volonté

elle picore les vitres     la peau de tes joues

ta chevelure et tes vêtements

partout elle se mélange au décor

noie les couleurs dans le même fleuve

la même turbulence

la pluie mange le sable des plages grain par grain

jusqu’à ce qu’une mer en rage lui barre le passage

d’une seule et énorme vague

Ce qu’atteint l’horizon par ce brusque rugissement d’écume

ne portera pas de nom

car tu n’as pu déterminer ce qu’il se passait au juste

au fond de toi et en surface

à ce moment-là

la pluie n’a plus
désormais

aucune emprise sur toi

Vague

Wave Art Black and White Cavern by johnphilpottsphotography

La nuit se regarde dans les reflets des lumières

du port. Elle se dit je reste là je ne pars pas

tremblante pourtant  elle se dirige vers moi

un rayon ondulant se plante comme une flèche d’argent

au centre de la béance flasque

cet encrier renversé

qui me sert de coeur.

Dévoilée

 

Comme une dragée cachée

entre le palais et la langue

tu laisses attendre

les marées et les vents

les cieux difficiles

attendre avec la voile

lactée dans le ventre

et l’envie de toujours partir

de croquer l’avenir de tenir

le temps en laisse

attendre cette délivrance muette

qui recouvrirait enfin l’horizon

de sa réponse plus limpide

que le ciel