
Elle effile
un nuage
Pénélope
Elle effile
un nuage
Pénélope
Il pleut
le temps peut
à nouveau s’écouler
aller de là à ici
sans que rien ne soit changé
la foudre en mer
l’orage accoudé à la montagne
regarde
une invasion extra-terrestre frapper
ce qui peut être si loin
il pleut
ailleurs le temps se soude à l’éternité vorace
au néant et rafraîchit semble-t-il les pensées
les paroles ne parviennent toujours pas à se libérer
de leurs fantômes.
Je suis parvenue à mette un pied dans l’eau
ensuite comme si je n’étais plus qu’une algue
je suis parvenue à croire que je n’étais plus qu’une onde
longuement j’ai dispersé mes pensées
mes gestes
n’étaient plus coordonnés
par une volonté interne solide immuable
mais par une abstraction externe fluide
un empressement instinctif à accueillir le changement
ses vagues
manifestations
l’instant était une particule et sa position lumineuse infime
et elles étaient innombrables
je suis restée là semblable à rien
qu’un cheveu
et la partie de moi qui fut forcée à sortir de l’univers
de l’eau
fut rendue à la dure âpreté d’apprendre à exister
en tentant vainement d’avoir ce qui m’avait possédée
Les toiles à force de brasser
les pluies de couleurs, de traits
et les effacements se sont défaites
finies les trames
déchiquetés les réseaux
ne restent plus que les fibres
décharnées étiolées
presque libres vaincues
c’est qu’elles n’offrent plus
que des aiguilles de lumière
ce que je parvenais à retenir
n’existe plus
je ne me souviens qu’avec peine
de l’azur
Une source
se déverse en flux
veloutés et sombres
comme si elle ne voulait
que se transmettre par
ombres
Une source
donne aux mondes
un parfum d’eau
pluie fine et galets brûlants
mélangent
les mêmes souvenirs
étranges
Une source
animale
serpente enlace
l’encre sert en secret
les sentiments
Une source
lente
s’enracine se délie
longue sentinelle
de signes étincelants
qu’enraye parfois
involontairement
mon esprit qui
tente l’écho
presque muet
La pluie mange le ciel et tout
ce qu’il contient de nuages
mange les feuilles jusqu’à leurs nervures
les aiguilles jusqu’à ce qu’elles saignent
elle mange les troncs et les racines qui débordent à la surface du sol
la terre les roches et les petits cailloux
la pluie avale les montagnes
au loin les chemins les sentiers
et leurs graviers que touchent tes pieds
la pluie dévore l’air le vent et
décortique chaque mouvement
elle mange les champs les prés les fleurs
le bétail les toits de ton village natal
elle mange les routes les voitures les passants l’absence
et presque toute ta volonté
elle picore les vitres la peau de tes joues
ta chevelure et tes vêtements
partout elle se mélange au décor
noie les couleurs dans le même fleuve
la même turbulence
la pluie mange le sable des plages grain par grain
jusqu’à ce qu’une mer en rage lui barre le passage
d’une seule et énorme vague
Ce qu’atteint l’horizon par ce brusque rugissement d’écume
ne portera pas de nom
car tu n’as pu déterminer ce qu’il se passait au juste
au fond de toi et en surface
à ce moment-là
la pluie n’a plus
désormais
aucune emprise sur toi
La nuit se regarde dans les reflets des lumières
du port. Elle se dit je reste là je ne pars pas
tremblante pourtant elle se dirige vers moi
un rayon ondulant se plante comme une flèche d’argent
au centre de la béance flasque
cet encrier renversé
qui me sert de coeur.
♠
La pluie picore
le toit de la véranda
elle picore les pavés de la route
les chemins de terre du parc
elle picore les feuilles des arbres
les épines des buissons
elle picore les dernières graines de soleil
avant la nuit
petites poules de cristal
elles sont des milliers à picorer
mes larmes
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Comme une dragée cachée
entre le palais et la langue
tu laisses attendre
les marées et les vents
les cieux difficiles
attendre avec la voile
lactée dans le ventre
et l’envie de toujours partir
de croquer l’avenir de tenir
le temps en laisse
attendre cette délivrance muette
qui recouvrirait enfin l’horizon
de sa réponse plus limpide
que le ciel
Ce n’est pas la forêt qui crépite
sous le fouet fougueux du feu
ce n’est pas la brindille qui refuse
de se plier et meurt à chaque fois
que j’avance d’un pas
ce n’est pas un torrent de chuchotements
ou mes souvenirs qui tentent de se frayer un chemin
vers l’oubli
c’est la pluie
qui n’en peut plus