Puzzle

Dune I Jure Kravanja

La nuit est une pluie de flammes

Toutes cachent sous les rondeurs de leurs pétales

Ton corps contre le mien comme un bouquet

 

La nuit se glisse parfois entre nos paroles

Comme les nuages entre le ciel et la lune

Tes mains accueillent mes larmes

Ma bouche effleure ton âme

 

La nuit porte un masque de sable

Et frémit sans faire d’autre bruit

Que celui qui fait naître les étoiles.

 

Essentiel

RIP Storm Thorgerson (1944-2013)

 

Lorsque les émotions m’envahissent, j’entre dans un monde où le ciel est plusieurs, où la terre ne dessine plus une ligne à l’horizon mais déploie une chevelure qui se noue et se dénoue continuellement.

Mon existence alors ne se balance plus entre le oui ou le non mais s’entraîne à faire face à une infinité d’espaces où les possibles sont la raison. Un cordon ombilical me lie aux étoiles et je marche comme une onde sur des tapis volants. Le temps semble s’être fait sable et plus rien n’a de sens.

Dans ces moments, il m’est difficile de reconnaître l’autre et les limites qu’il impose à sa réalité bicéphale. D’entendre son langage, de comprendre les doubles sens. Et je sens combien c’est difficile pour certains d’admettre que le monde qui me submerge n’a pas que trois dimensions mais que sa réalité en possède plus que nous ne pouvons l’imaginer.

Ce ne sont pas des états qui me font perdre la conscience mais qui au contraire me confrontent à une réalité qu’on ne peut que rêver. Que se résoudre à la nier, c’est comme se crever les yeux, s’amputer de facultés qui nous sont nécessaires pour progresser.

Mes mots, mes tentatives d’encercler la poésie comme si j’avais à la dessiner comme une galaxie ne représentent rien. Rien qu’une particule d’un néant en train de se perdre en voyageant dans ce que j’en ressens.

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Image taken by Landsat 7 on Apr. 19, 2003 Image: USGS/NASA

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Dans la baie la mer ressemblait au chant sombre d’une baleine

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Son haleine partageait le temps et l’espace en faisant des ondes

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La mer mélangeait son corps et sa mélancolie aux flots graves

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On aurait dit les consonnes lasses d’une harpe dévorée par le sable

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La mer semblait ne plus vouloir guérir ni se défaire de la nuit

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À l’instar des étoiles elle tintait dans le ciel noir

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Pour le fendre de ses immenses nageoires blanches

Le rocher


Koon Wai Bong(管偉邦 Chinese)
Mountains after rain

 

L’herbe ronge le sentier

et le sentier mène à la mer

la mer ronge le ciel

et le ciel se balance dans les arbres

comme les vagues entre les doigts du sable

les arbres s’écartent pour laisser passer

le sentier qui serpente comme une rivière

au lieu d’aller vite

se jeter aux pieds du rocher

qui ronge de son ombre la nuit

Rayonnement

by Volker Birke

Hier, la mer et la nuée se sont mangées l’une l’autre,

en douceur, sans provoquer de raz- de -marée.

On ne sait plus si cette péninsule est le bras

d’une rivière ou le coude chaud d’un courant de sable.

On ne sait plus si c’est lui qui porte ou si c’est elle qui apporte

les rubans de terre, les cuillerées de vent.

Ces tourments sont-ils ceux de l’âme ou ceux

de ton cœur impatient?

Nomade

Raoul Hausmann, 1969

 

Le soleil sinueux serpente

sur les pistes usées par le sable

il ne nous reste que les pierres pour troupeau

au fond de nous l’île du désespoir

nous apporte un peu d’ombre

mais pas le droit de nous asseoir

le vent hasardeux

tremble ivre pris de folie

il ne nous laisse pas d’autre choix

que d’errer seuls

comme les rumeurs et les mirages

nous résistons sans larmes

sans nom sans pays

nous nous soulèverons toujours

aux rythmes du désert

Spectaculaire et terrifique


Wunderpus photogenicus

Je ne nage pas          j’envahis l’espace

je ne danse pas         je mange le temps

et le rythme

je longe les flancs d’étranges montagnes

de sable

je plonge et me range

parmi ces doigts qui tremblent

comme des algues

je me fais si petite

dans les plaies secrètes

des rochers

on voudrait presque oublier

pour sortir

j’attends

que vienne enfin la nuit

Les sourires de la lune

Maria Eimmart - 17th century illustrations

Dans le pli d’un tissu, je reconnais le geste ondoyant et ample de tes idées comme des caresses pour la pensée. Dans les musiques qui charment les heures de mes journées les plus froides, j’entends encore faiblement ta voix, tes rires, petites graines de sable. Tu me manques tellement de fois. Pour goûter la chaleur d’un café, pour pouvoir marcher dans la rue et affronter ces troupeaux de bruits et les horreurs. Tu as oublié de me dire comment gravir les rochers et franchir les fossés.
Le jour, je sens la lune docile nager dans la nuée comme si elle était ton âme, petit poisson perdu dans l’éternité me suivant de loin. Je te sens comme les nénuphars surgissant de la nuit, trouant l’obscurité du lac qui les retient, je te sais narguant la mort en lui montrant le sourire de quelques pétales et ton cœur jaune ensoleillé.
Certaines nuits, tu réapparais dans les plis discrets d’une bouche endormie. Il n’en reste parfois plus qu’un cil. Ta luminosité est dorée et pleine, comme si tu avais mangé le soleil pour en faire cette crème qui calme mes plaies.
Je collectionne toutes tes apparitions dans tous les sourires enfantés par la lumière. Je n’ai jamais cessé d’aimer, de m’accrocher fébrilement à la moindre miette de beauté, à son ombre. Je refuse de croire en la laideur et de lui succomber en implorant le néant. Je vais partout suivant tes aurores, auréolant, me gorgeant de toutes les luminescences et de tes respirations. J’ai confié mes élans à tes rivages, à la lune rousse et adorable. Je la porte comme une couronne sur la tête, elle m’emporte comme une montgolfière là où les dragons zélés de la cruauté et du manque sont terrassés en une seule phrase.