Sous l’olivier je lis
et par dessus mon épaule les ombres agitées de l’arbre semblent courir au delà des phrases,
elles balayent les mots.
L’ombre de l’arbre et moi ne lisons pas le même livre, me dis-je.
Pourtant, je l’entends chuchoter en caressant les signes de la pointe de ses feuilles, elle lit comme si elle était aveugle, du bout des doigts, se sert de la sensibilité tactile des mots, chaque syllabe est un objet, un personnage, un tronçon remarquable du bas-relief qu’elle éclaire à la lumière de son regard.
Il est des signes qui sautent aux yeux et d’autres qui fuient.
Je souligne.
L’ombre suggère de raturer, de hachurer, voire d’arracher la page.
Elle n’a pas tort cette ombre de l’arbre. L’analyse qui propose comme noeuds d’attaches une psychose, une crise oedipienne, une hystérie de symptômes et de phases toutes sorties de la tête de F à de simples oeuvres poétiques, à une aventure telle que le poème ne mérite pas d’être lue par l’être silencieux, l’ombre de l’arbre associée involontairement à ma position.
Mais l’arbre a fini de lire. Il cherche à faire de ma chevelure un feuillage, sa frondaison qui éclabousse la lumière. Mes cheveux sont comme les crinières des prairies, comme les toiles décousues des épeires qu’il malaxe pour qu’elle devienne épaisse ma chevelure comme un nuage.
Les plus longues mèches tendent de s’accrocher aux lèvres, de rester sur mes joues et d’autres de se faire prendre au piège par les cils.
Ainsi adossée au tronc lisant je deviendrais peut-être une partie de lui-même.
Mais lorsque je regarde les mélanges de couleurs, de feuilles, de fleurs à naître je me demande
si je serai à la mesure de leur souplesse
si comme toujours ma démarche saccadée de pied équin
ne passera pas au premier plan
avant que je n’ai eu le temps de me montrer sous mon aspect de végétal
qui ressemble plus aux parfums
qu’il diffuse à la lumière
qu’il absorbe et dévore pour nourrir son ombre.