
La lune
croasse
dans le jardin
***
Cette pupille ronde
n’est pas celle
du chat
***
Se battre pour être soi
c’est ce que fait
ce batracien
***
L’étang étrange
est tétanisé par ces milliers
de têtards
La lune
croasse
dans le jardin
***
Cette pupille ronde
n’est pas celle
du chat
***
Se battre pour être soi
c’est ce que fait
ce batracien
***
L’étang étrange
est tétanisé par ces milliers
de têtards
La nuit cette étrangère refuse de passer ma porte
ouverte
elle siffle et grince de tous les insectes qui l’habitent
ivres
ils préfèrent être
entendus plutôt que vus et
dévorés
la nuit est fraîche la pluie est encore sur la colline et la lune est de ce côté-là.
la nuit danse ou marche ou est-ce sa soeur la mer
qui jette vers la lumière des papillons d’écume
soudain gracile
la petite féline fait son entrée
elle trottine vers la cuisine où des parfums alléchants de nourriture
l’attendent
elle mange
et puis part
la nuit a quelque chose à lui dire
le secret hallucinant qu’elle réserve aux chats
seulement
Dans le nid le bruit léger d’une demie plume
au ciel azuré la lune est un dé
un oisillon dont l’oeil est encore une planète aveugle
ouvre un large bec
du jour les heures l’ont fait naître
avec une application ailée
multipliée par deux fois deux
vols stationnaires
plongées vertigineuses
ont été exercés dans le but
unique de protéger
l’oeuf —peut-être deux de plus—
valeur zéro de la vie
dont nul ne discute plus jamais
l’importance
Parmi les nuages
la nuit
l’hiver
le froid
la pluie
la lune
elle finit par descendre et se pose
sur les branches d’un pin aux aiguilles argentées
elle choisit sûrement celui
qui la suivra un jour
enfin ce sera moi
parmi les nuages
la nuit
l’hiver
dans le froid et la pluie
je vois ton visage celui
que tu n’avais pas alors
que tu étais encore en vie
La lune est un cheval
porté au pas
elle allonge l’ encolure
et laisse ses lèvres effleurer
le ruisseau
l’eau se ride et forme des anneaux
autour des naseaux
la lune respire et broute
les touffes brûlantes de quelques
reflets d’étoiles
à chaque mot correspond l’écho d’une vague
le bruit que fait un sabot quand il égratigne le sable
empreinte de brume
trace que laisse après son passage
la poussière
Dans les feuillages le vent est
Un petit cheval vert se cabre
Disparait puis après avoir bu
Le ciel revient plein de fougue
Derrière la colline vient de naître
Dans un lit de brumes
La lune avant l’heure
Les ruisseaux dévalent les pentes
On entend les troupeaux de roches
Le bruit de la pluie
Essences d’immortelles
Se répandent autour de la tombe
Du jour
Dans le ciel le D majuscule
de la lune
et
au dessus du maquis
la brume broute toute la nuit
Chaque pin porte
dans ses bras
son troupeau de pas
et de cris
Se suspend
aux battements
d’ailes d’une initiale
un astre
léger tel le sourire
qu’on n’adresse à personne
Moonlight 2014 / Au Clair de la Lune, 2014
Chinese ink on paper
35 3/5 × 37 in
90.5 × 94 cm
Avant de gagner la mer, la brume se repose sur les épaules des collines. Elle reprend des forces, s’enfle comme un énorme bourgeon jusqu’à changer de couleur. Parfois, elle se retire et choisi d’envahir l’autre versant du monde, celui que peuplent les forêts, les roches et leurs fines fontaines de dentelles blanches. Elle finit par se perdre ou par perler sur les herbes, les mousses ou les petites plumes argentées des buissons.
Le soir, je crois qu’assis sur le plus culminant des rochers, tu me regardes et m’attends depuis des années. À force de regarder ta silhouette se découper dans l’azur comme le vol d’un oiseau éperdu de hauteurs, mes yeux se mettent à briller et à presque pleurer. Finalement, je comprends que ton ombre si décidée est un buisson fulgurant que le vent a sculpté.
Le vent descend souvent de la montagne en se laissant glisser lentement, titillant à peine les centaines d’oliviers de la plaine et puis regagne le ciel dans un seul et même mouvement à la manière d’un cétacé qui soudain s’engouffre dans les cerceaux de bulles qu’il a lui-même dessiné. Alors, subtilement quelque chose qui s’apparente au silence reprend sa place à côté de mes organes vitaux, comme un fantôme, comme le souffle d’un mort, comme pour me faire comprendre à quoi ressemble la réalité. Réalité raisonnable à laquelle on donne le nom de « devoir », de « responsabilité » comme si assumer sa part toujours plus vaste de silence, de solitude face à la nature qui culmine au bout de chacun des regards, comme si « être dans la lune » n’était véritablement qu’une fuite en avant.
Parfois je pense que ceux qui ne rêvent pas, ceux que le silence n’hante jamais sont des irresponsables. Parfois je crois que le silence est la part la plus dense et la plus difficile à porter. Une motte de terre noire, les tripes de l’univers, j’aimerais toujours être en état de savoir ce qu’il faut en faire.
Parfois je sens que le silence est un champ de fleurs sauvages, les racines, les tiges, les corolles, les pistils se chargent de le retenir, de lui donner de la contenance car comme le sable des dunes, le silence toujours s’échappe, s’évapore entre deux mots, deux cris.
La nuit est venue se poser sur le jardin
La lune regarde la mer
Une à une les étoiles se regroupent au dessus de la folle falaise qui parle toute seule quand les oiseaux se taisent.
Quel étrange troupeau scintille enivré par les parfums émanant du maquis
Pour qui est-ce encore l’été
Quel est cette ombre marchant d’un pas souple et lent sur le sentier qui semble couler de la lune comme un torrent de la colline
Est-ce toi mon Amour qui portes la lumière de l’astre toute fraîche et argentée sur les épaules?
le cœur de l’Homme est sans parole
quand il marche il chausse des bottes
quand il ment ses morsures comportent
plus de venin mortel que celles
du serpent tigre
dans les ventricules les chambres froides se succèdent
comme des vagues amères
les soupirs et les relents de ruminants
que le joug hante dès la naissance
mais
au sein du tien les trilles du rossignol
coulent vers leur source comme les larmes
sans faire de fracas elles se contentent
de dénombrer la clarté
ton dédale n’a pas vendu son âme
en ton cœur une chaîne de montagnes
retient le ciel et ses cortèges de fantômes
pour réchauffer la lune et les idiots qui la regardent
alors que les nuits se font de plus en plus noires