
Longtemps tu as cru
Que la lucarne
Était un insecte
De ceux qui ont des ailes et une carapace
qui grincent et dardent un rostre
et là tu t’aperçois qu’il ne s’agit que d’un mot
au milieu d’un poème
éclairant
l’eau verte reste imperturbable
lisse et soyeuse muette et immobile
la mélancolie profonde est une fleur aquatique
née dans les brumes de la vase
son corps calme est celui d’un caïman
Il pose ses doigts sur mon poignet
pour prendre le pouls
mais rien
peut-être n’ai-je plus de coeur
fondu comme un sucre dans la boisson chaude des larmes
mais non
il est là cet organe incontrôlable
à débattre seul en sourdine
dans le néant abyssale du corps
Une fleur soupire
le papillon s’évapore
de l’arbre s’égoutte un oiseau
une feuille s’extirpe d’un essaim
et le choeur se soulève comme la vague
s’éternise dans le crescendo des voix
cherche l’exclamation jusqu’à ce point de non retour
le poirier ploie
le sentier s’en va
et toi tu te retournes
pour me voir
poser ton regard sur ce départ de colline
rougeoyante tel un incendie
Ton pas
Accordé à celui de la forêt
Ton souffle comme une frondaison froide d’ombres
Et moi
Qui tente d’inscrire cet instant au patrimoine mondial de ma mémoire
À chaque fois que je croise l’odeur du pin dans un nid d’aiguilles
Ses fleurs qui éparpillent pollens et grains de sable saharien
Regard humide et noir d’un rongeur qui ne peut plus choisir de fuir
Simplement toi blotti aux pieds d’un immense incendie
La solitude elle lui a été imposée
mais il n’a pas chassé de son jardin intérieur
cette adventice
elle a fleuri parmi tant d’autres
qu’on ne rencontre qu’en cet endroit
des racines ont dessiné des labyrinthes
conquis des obscurités
sur lesquelles il appuie
désormais chacun de ses regards
le doute accompagne la question
et la réponse
au milieu de la foule
il est seul
toujours seuls lui et son âme
quelqu’un lui dicte chacun des mots
qu’il retranscrit pas à pas
sous le prétexte qu’ils le font avancer
mais il ne sait
pas où cela le mène
il va sans le vouloir au bord des
falaises
voir s’il n’est pas là-bas
tout en bas
parmi les vers
Aux points cardinaux du livre qui s’écrit de temps en temps
quelque chose de ta personne
infime
s’arrime
un cri d’urgence
à chaque pli du jour cette goutte
de ta sueur
imprègne le chant que tu répliques
à l’infini
l’alerte sereine face aux rires jaunes des seigneurs
le soleil s’écarte de leur route
tandis que tu picores l’azur depuis
la galaxie où s’illuminent les planètes olives encore à l’état de fleurs
Parfois simplement tu disparais
Tu vas de ton trottinement partout où ton instinct te guide
tu n’as
peur de rien
pourtant
ton regard ne cesse de questionner le chemin parcouru
tu as à
trouver une entrée là où c’est clôturé là où les forêts brûlent là où les lacs se figent de froid là où tu seras seul
tu n’as aucune empreinte où mettre tes pas
tu vas frôlant les enfers
dénigré parce que ton oeil est clair
personne n’ose plus entreprendre de tels rêves
un voyage sans éclat sans destination définie si ce n’est celle dont on ne parle jamais
C’est encore l’hiver pourtant
quand elle ouvre la fenêtre
c’est le printemps qui entre
grains de mimosa dans la chevelure
une parure de pétales de giroflée posée sur les épaules
il illumine de son regard chacun des livres anciens
de la bibliothèque
il en réveille quelques uns d’autres roussissent jusqu’à se faner
et périr d’illisibilité
il s’assied dans le fauteuil du père défunt
chaque feuillet posé sur le bureau espère encore la signature du maître
mais
la porte claque lorsqu’elle referme avec brutalité la fenêtre
elle attend de voir comment le printemps prisonnier
va s’y prendre pour s’échapper
fuir
elle en rêve depuis tellement d’années
aller librement sans la moindre arrière pensée
aller là où le regard lourd du vieux ne va pas poser de nouveaux problèmes
être hors de porté du geste grossier qui la condamne à chaque fois
le plancher grince dans le couloir quelqu’un crie
de hisser la voile
la demeure familiale devient enfin une caravelle
ne manque plus que la houle
folle et l’ivresse
un fantôme tient déjà le gouvernail
est à la barre
usurpe le pouvoir
le printemps
son printemps à elle les voilà dans la cale
Elle ouvre la fenêtre
c’est l’hiver pourtant elle décide de jeter l’ancre
là dans le jardin près de l’acacia en train de fabriquer des milliers de soleils
pour d’autres univers.
La mer élabore une sorte de course contre elle-même
courants gris courants bleus et entre eux des îlots
d’eau souple presque noire
la rose ouvre l’espace du jardin à la blancheur des nuées
le long de la hampe un fourmillement d’épines pourpres
qui donc aurait besoin d’hellébore
en cette fin de
jour