Anéantissement

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effondrement 

du résidu ultime

de ta lumière

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quelques grammes de poussières
subissent les forces noires de la gravité
ton coeur pour pétrir

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ton cri aimanté chants magnétiques
ta voix résumée au souffle

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plus de corps pour contenir le mot
une ombre une onde oscillent
soeurs jumelles du non-dit le lieu loin

où s’éteignent  tes sources

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une étoile s’étouffe 

et personne personne dis-tu
ne fait rien.


Déluge

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Captain Tenneal via Flickr Lester River 5

Bien sûr, il y avait une sorte d’inquiétude qui régnait dans le jardin. Les nuages un peu plus lourds, un peu plus gris que d’habitude et le vent caché je ne sais où. Juste avant que cela ne se produise, un goutte de pluie est tombée sur mon épaule et trois autres sur le sentier afin que je la sente et que je les vois très clairement. Mais j’avais à faire dans le jardin et je n’ai pas vraiment prêté attention à ses signes si fins et si petits. Les fleurs s’échangeaient des parfums citronnés. Les bourdonnements des abeilles avaient disparus et la plupart des chants s’étaient tus. Mais qui s’en soucie si l’on sait que la machine s’enraye quotidiennement, s’arrête puis repart comme si à chaque fois il s’agissait d’un miracle . 

Soudain, le vent est sorti de son antre en courant, il faisait presque frais. Comme s’il ouvrait les entrailles rocailleuses de la colline, l’orage est né poussant un grognement monstrueux. Un dragon rutilant venait de naître. Plusieurs fois, la foudre est tombée sur la mer, électrisant son corps et sa chevelure d’argent.

Puis lentement, le dragon s’est mis à avancer à grands pas, broyant à chaque étape un rocher. La terre subissait les vibrations puis d’un seul coup cédait, se déchirait affreusement. Le silence après le rugissement était sans doute ce qu’il y avait de plus effrayant, la vie suspendue dans ce laps de temps entre deux battements de coeur du monstre semblait si peu de chose. Une peur en plantant sa lame dans mon ventre me poussait à fuir mais comme me prouver que cette crainte ne faisait nullement tressaillir l’animal transi en moi et son instinct, je restai sans bouger plantée au milieu du jardin. Je ne songeai même pas à me protéger d’une éventuelle pluie. Tellement de fois, la menace de l’orage ne s’était pas concrétisée. Les fleurs, les feuillages malgré leurs prières insistantes souvent n’avaient pas été écoutées. Et puis, je venais de m’entendre dire: «  De toute façon, c’est trop tard. »

En quelques secondes, le jardin et tout ce qu’il contenait furent isolés du restant du monde. Hormis la pluie torrentielle, plus rien n’existait. La cohorte de gouttes puissantes d’une couleur métallique et ses galops multiples formaient un obstacle infranchissable. L’orage engloutissait la mer, la baie, la colline et tous ses petits villages. J’étais devenue une fourmi. Où trouver un abri si ce n’est en soi-même?  

En moi aussi, au plus profond de la moelle de chacun de mes os, il pleuvait. Il pleuvait en mes pensées, en mes rêves, il pleuvait sur toutes mes routes, mes yeux étaient inondés, ma tête débordait. Mes cheveux étaient des ruisseaux brutaux et plus un seul mot ne sortait de ma bouche. Je ne cherchai plus l’abri, le réconfort d’une accalmie hypothétique me tenait à peine debout. Mais comme presque tous dans le jardin, je ployais, je tremblais, je me laissais emporter. Comme seule preuve de ma résistance, je refaisais surface dans le creux des vagues, à leurs crêtes, incapable de dominer le cheval foudroyé  qu’elles étaient. 

Je suis construite sur un volcan, sur une faille sismique, la tectonique des plaques, les destructions totales, les tremblements, l’engloutissement, je connais. Je tiendrai.

La pluie queue épineuse du dragon qu’était l’orage a cessé tout à coup de fouetter mon jardin. Lentement, il a repris sa place originale entre ciel et mer, aux mêmes endroits que les mirages et les caravanes de dromadaires imaginaires. Dans les feuillages, les oiseaux se délectaient des perles, la colline au loin servait à nouveau de berceau à la brume. La mer parlait aux rives de l’infini mais je restai finalement une fourmi. Je reconstruisais déjà un nouveau nid en accumulant des grains de sable. 

Miriade

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art Brut, Harald Stoffer, Galerie Christian Berst

Inspiration — une miriade de signes et de lettres pathogènes se bousculent et entrent dans les alvéoles —

Expiration — mon esprit est un poumon — un sac en quelque sorte

se froissent

se défroissent

se plient aux exigences  de la maladie

une mécanique qu’enrayerait la plus petite particule d’écume  et cet animal  enfermé

dans la cage cérébrale

Vous la voyez manoeuvrer de rafales en rafales

de tempêtes en mer en blessures tectoniques ?

Inspiration — il faudrait une rivière

expiration  — un pays où trouver source

inspiration — et lumière où se donner

un prolongement

qu’on pourrait croire infini — l’horizon — expiration

Indéterminable

Unknown, Egyptian Seated Figure, before 3400 BCE Egyptian Ceramics Terracotta
Unknown, Egyptian Seated Figure, before 3400 BCE Egyptian Ceramics Terracotta

Je voudrais n’être

ni fille ni garçon

mais bien à tour de rôle

araignée pieuvre

dauphin voilier

et chemin

je serpenterais sans mettre fin à mes voyages

parmi les galets

les buissons

la terre et les parfums de la pluie

je voudrais être moi

libre de moi

vu par l’autre

dans un sanglot au travers du rideau de sa haine

moi mordu par la vie

moi rongé par la peur

ne serait rien

qu’il vaille la peine d’un reproche.

La baleine

Steffen Binke. Dwarf Minke Whale, Great Barrier Reef, Australia
Steffen Binke. Dwarf Minke Whale, Great Barrier Reef, Australia

Échouée son ventre gonfle son haleine empeste

cet ennuyeux dimanche

où l’on ne joue pas

où l’on attend que les heures meurent d’elles-mêmes

ne s’arrête pas d’enfler et d’enfler

les nageoires caudales ressemblent à des bras

qui viennent de tout laisser tomber

d’abandonner la liberté qui doit bien nager quelque part

un corps ronflant un corps géant gît

sur le canapé du salon

la main de maman frôle le sol comme celle d’une morte

pourvu que la baleine ne se mette pas à geindre mon prénom

avant que je n’aie fini de dessiner l’océan bleu sans horizon

qui la remettrait peut-être à flot

Le problème

Posé sur la table,  il ne se dissout pas dans le verre d’eau

comme la pastille ou le médicament.

Il montre ses épines et ses tentacules géants.

Il ne tremble pas, se montre inconsolable, ne s’adoucit pas par les phrases.

il trace dans la mémoire des serpents en fuite et des sentiers venimeux qui ne vont nulle part.

Il est le félin sorti du ventre de la nuit.

Il me suit avec la patience d’une ombre.

¿

Mis dans la cage sage et sereine d’une quelconque certitude,

épineux, ténébreux, suspect infect,

il dévore toutes les solutions provisoires, décapite la captivité de toutes ses raisons.

¿

Mis en attende, abandonné au hasard, suspendu dans les cieux, il se prend pour une vague,

pour l’anaconda silencieux, il rôde se nouant aux peurs qui n’ont jamais reçu de nom.

¿

Le problème est le noyau central, le trou noir au milieu du regard, l’errante tumeur

qu’on ne guérit pas, il sème le doute.

Le problème est là pour me rappeler que je suis née dans un berceau de larmes.

Source image

Cartujano

Caballo Blanco, Diego Velasquez – 1599-1660

Si l’on devait me donner une âme

elle serait grise et pommelée

comme les cimes de l’orage et du ciel

En mélangeant son sang à l’air

sa sueur à la lumière

elle ferait trembler la poussière des chemins

elle serait de passage

quand du ventre de ta guitare

se tendent et ton poing et ta colère

ses naseaux seraient les cratères du vent

les béances hallucinées de la terre

son souffle sculpterait le temps majestueusement

 plus jamais tu n’aurais l’impression

de perdre ton nom

en confiant ton pas et tes danses

aux absurdités immondes des humains

Nomade

Raoul Hausmann, 1969

 

Le soleil sinueux serpente

sur les pistes usées par le sable

il ne nous reste que les pierres pour troupeau

au fond de nous l’île du désespoir

nous apporte un peu d’ombre

mais pas le droit de nous asseoir

le vent hasardeux

tremble ivre pris de folie

il ne nous laisse pas d’autre choix

que d’errer seuls

comme les rumeurs et les mirages

nous résistons sans larmes

sans nom sans pays

nous nous soulèverons toujours

aux rythmes du désert