Prodigue toujours ta beauté sans compter ni parler. Tu te tais. Elle dit à ta place: je suis, puis en multiples sens retombe, tombe enfin sur chacun. Rainer Maria Rilke
L’olivier déverse dans le jardin une ombre qu’on pourrait presque boire
il ne reste qu’
une clôture à franchir
il n’est pas un chacal doré
il n’est qu’un renard roux assoiffé
attiré par cette odeur de vase
de désespoir
de mort et d’aile d’abeille transparente
il a le ventre sec et mangerait n’importe quoi
voilà qu’il rogne un tendre galet après lui avoir arraché les pattes et la tête
il songe au sang
il n’y a plus de carapace
à peine un bruit sec de bois lavé par le soleil
pas de moelle pas de sève ni de ruisseau à poursuivre
il entend encore en lui les cris et la détresse de sa colline ses bosquets cent cinquante lentisques et tellement de troupeaux de myrtes et de lavandes odorantes
broyés mécaniquement et sans le moindre questionnement par les mâchoires métalliques d’engins de chantier
le bruit de la botte l’odeur dans la poussière de la roche flamboyante réduite en gravier
l’assourdissant souvenir des corps qui se bousculent dans la fosse
commune sans pouvoir s’échapper ni même pousser le dernier soupir
Avant de disparaitre n’a-t-il pas le droit lui l’animal sauvage de questionner
White Plum Flowers, from the series Comparing Flowers, volume 6 (Hanakurabe), from the series Comparing Flowers, volume 6花くらべ Artist: Shibata Zeshin (Japanese, 1807 – 1891)
Ce dimanche au jardin,
Très haut dans le ciel, des goélands annoncent la couleur des vagues
le mot se mélange aux feuillages verts comme une partie du vent
l’absent souffle sur les fleurs pour réveiller les papillons autour des astres jaunes bourdonnent les cueilleuses de pollen
le félin noir se fatigue à avancer sur trois pattes s’efforce à rétablir autour du manque l’ancien équilibre
il neige parfois des pétales de fleurs de prunier
de petites langues roses restent auréoler pour ce qu’elles prennent pour l’éternité autour des pistils si discrets
ailleurs, très loin, ils comptent les morts à l’unité près. Ils en sont si fiers dans mon corps ce coeur se demande si compte encore le vivant
Aux carrefours des grilles rouillées encerclé d’ondes de chocs le caillou volcanique sombre répercute sa chute dévoile son envolée la réalité ou simplement le constat de ses existences passées
il m’arrive toutes les nuits d’avoir peur d’un espace si petit qu’il ne se mesure même pas en nanosecondes d’avoir froid de le laisser galoper seul le rocher l’accident que le hasard s’efforce de reproduire
la brèche dans laquelle s’enfonce le rêve en modulant le souvenir
l’empêche d’être oublié recouvert de neige
pourquoi
alors que je n’ai pas le pouvoir de modifier la trame
J’entends le crépitement des gouttes sur le sol pourtant il ne pleut pas Est-ce la mer dans les frondaisons brassés les grains de sable se mettent en route l’étoile que je regarde tremble et pourtant ce que je contemple n’est que l’espace qu’embrassent encore un bouquet de photons l’été est-il autre chose que le fruit de mon imagination
La mer d’une seule vague va dans le ciel à cet endroit où l’on croit reconnaître l’infini
Au dessus du cimetière le ciel est un caillou gris tombé au fond d’un puits
La pluie a lavé le ciel comme les larmes nettoient l’âme le ciel demeure blanc se gorge d’une lumière qu’il diffuse de façon presque homogène entre mer plages pleines et montagnes À la place des sanglots le silence confus des mots recouvre doucement l’enneigement des pages Faut-il encore que j’aie peur
La tige du rosier se penche comme si elle avait à tremper son premier plumeau dans la mer le bleu de l’air ne fait ployer que cette créature on oublie qu’elle est parée d’épines Dans l’ombre de la grange, que pouvaient-ils regarder en silence si ce n’est posés sur l’eau noire de la rivière éteinte la feuille ronde et la fleur presque ouverte d’un nénuphar mon père et son ami poète