Message

La guêpe dans la tasse de thé fleurie 

fait résonner son coeur 

battement d’ailes frénétique

et puis se pose sur le mot

que je vais lire pour m’interdire

de progresser simplement d’un mot à un autre

faut-il que je survole  et oublie le mot 

Dard

à moins qu’il ne soit trop tard 

pour écourter le livre

Anéantissement

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effondrement 

du résidu ultime

de ta lumière

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quelques grammes de poussières
subissent les forces noires de la gravité
ton coeur pour pétrir

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ton cri aimanté chants magnétiques
ta voix résumée au souffle

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plus de corps pour contenir le mot
une ombre une onde oscillent
soeurs jumelles du non-dit le lieu loin

où s’éteignent  tes sources

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une étoile s’étouffe 

et personne personne dis-tu
ne fait rien.


Ébauche

Bird sketches, from 1955, sketch book, by Leonard Maurer


Le bras fleuri et odorant du laurier rose blanc
se tend vers le néant

une pomme de pin au profil gracieux

ayant bec et ongles ainsi que deux ailes repliées le long du corps

s’agrippe à la branche et zèbre l’espace

de son chant strident 

la brume s’échappe au dessus de la colline
la pluie sera pour l’autre versant du monde

Douves

Vandelsac

Ce corps 

Doit bien être le mien 

Puisqu’il me fait mal

À cet endroit qui valse et va

De l’os à la moelle de la sécheresse 

À l’afflux de larmes 

Faut-il que je regarde le saule 

Pleurer 

Que je regarde comment le reflet répond à la branche qui se penche jusqu’à effleurer 

L’eau sombre des douves 

Faut-il ignorer ce penchant qui me pousse à devenir autre

Ce grincement

Est donc le mien et non celui du monde 

Poindre

La nuit la pluie tombent ensemble
si bien que je ne sais pas
si ce sont des étoiles ou de simples gravillons
qui s’en prennent aux toits

que faire de tous ces points qui sombrent
sans phrase
et point d’exclamation 

meubler le silence et le rêve en se servant d’une trame
rouillée
d’un mystère souillé
il y a de quoi pleurer

Horizon

Earth’s Glow, the Moon and a Starry Night


This was the view as the International Space Station orbited 256 miles above the Pacific Ocean, southeast of the Hawaiian island chain.
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On observe les soleils et les nuances violettes se refléter dans les cieux et les eaux fraîches

mais toi

tu ne vois que la brûlure orange et le cri de la corneille noire

tu ne vois que la crevasse créée par l’animal et sa voix croassante 

tu voudrais qu’on te laisse là

seul sur la route qui va

tu es là où l’on ne voudrait pas que tu soies

On observe le ciel les étoiles et quelques coeurs qui tremblent à des centaines d’années lumière

on ne voit pas que tu regardes l’horizon devenir pour toi seul une statue de bronze 

qui pèse de tout son poids

sur ton coeur

Songe

Prof. Gordon T. Taylor, Stony Brook University [Public domain], via Wikimedia Commons

Souvent, je fais ce songe où je plonge parmi les ondes froides et claires. 

Je dérive, semble-t-il,
à la manière des méduses que transportent les courants. 

Je nage, je joue à percevoir ce qui scintille et se transforme en nacre, je mange des reflets, des échos,  des chants de baleines;  j’entends ce qu’elle font des fontaines et de l’oxygène.

à profusion la fraîcheur et la transparence des vagues, à force je ne suis plus qu’un remous. 

De longues heures, je ne suis  que la vague du large. Je ne croise rien,  pas même  un aileron pour fendre la surface,  une mâchoire pour se saisir de la chair  bleu foncé  des profondeurs. 

Larve de poisson des glaces.

Le soleil incline son regard. Soudain ses mains essayent de se saisir des flots. Mais la mer part. Elle s’éloigne et quand elle revient près des rivages,  elle a faim.

Elle engloutit l’écume et les bulles, elle avale tous les pollens, poussières parlant la langue du feu et du soleil.
Elle mange plancton et krill et crie.
Elle me regarde et questionne de son oeil noir et bleu, tranquille et las qu’elle noie dans un silence neigeux  de larmes. 

Alors je crois qu’il m’est encore possible de regagner les rives et de vivre parmi ceux dont on dit qu’ils sont humains. 

Epines, aiguilles et craintes

Georgia O’Keeffe; ‘Blue Lines X’, 1916

Il pleut
épines aiguilles et
craintes
nouées aux crins des crinières 

il pleut épées et sabres
sanglots et sentiers de croassements
la boue grave ses empreintes sur les chemins

Les pins brassent nuages occultants
et le ciel en lambeaux 

pourtant ne s’envole pas encore l’oiseau noir et or

il pleut
est-ce la colline qui se délite
les prés qui se préparent au départ d’un troupeau
d’écume et de vagues

Il pleut
je m’attends à voyager de nuit et à ne pouvoir
aller nulle part 

Source image: The MET

Averse

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La pluie forme une maison invisible, olfactive et musicale qu’on ne peut qu’habiter.

Elle ne comporte qu’une seule pièce  jusqu’à ce que la première goutte tinte sur ma joue.

Alors j’en perçois la multiplicité des pièces. Les chambres et leurs voilures, les couloirs et leurs longues plaintes, les cabinets et leurs innommables secrets. 

J’habite la pluie. Je l’inonde d’un corps. Je l’entrave de meubles, de noms. J’invite l’intérieur à s’extérioriser.  Á s’inventer une pelure.

La pluie devient soudain un fruit à pulpe.