Or

Artem Ogurtsov
Artem Ogurtsov

L’or est dans le regard

Du lys blanc

Tu le frôles frelon vrombissant

Tu emportes le printemps

Comme un pigment

pour faire tinter l’horizon

L’or est dans l’iris

du loup

du chat

du lion descendu de la montagne

Dans les flammes vertes et les aiguilles des buissons

qui rongent les ombres et frémissent

les pupilles brillent et se fendent

La mort s’envole en croassant

Juste avant que la lune naisse

L’or est dans la tresse de cette folle

Sa plénitude te transperce

comme le dard de cette fleur

dont les parfums habillent

la nue

Matérialité

blueline no 4 // andrea pramuk

L’onctueuse transparence des vagues

accompagne celle des nuages muets

de lourd comme un galet mon cœur

devient bulle d’air qu’aucun mot

n’appareille

le ciel étale

jamais ne sonde l’étrange

matérialité de mon rêve

à ses rivages se dessine une frontière touffue

et mouvante

un animal porte le nom d’une fleur

la lumière tremble encerclée par le feu

étoffé d’un filet de poussières

l’étoile n’agite plus la nuit

la peur de s’éteindre aux confins du vide ne la hante plus

apaisée dans le pli soyeux d’un banc de sable

habité par les algues vertes elle rougit

Fou

L’iris de mon âme se découvre des tépales. Langues violettes et bleues, étamines saupoudrés de soleil. Feuilles lancées vers le ciel comme des flammes. Mes émotions sont les montagnes d’une chaine volcanique située aux frontières de plaques tectoniques. Je progresse lentement sans que rien ne m’arrête, sans que rien ne perturbe les changements que la vie m’impose. Mon agitation est un geyser dont la bulle de cristal explose en poussière. Les gifles de sang qui provoquent les sursauts, les explosions de cendres, les coulées de lave participent à l’affirmation progressive de mon identité. Tant pis si la plus grande partie restera ensevelie sous les bleus océaniques, là où c’est presque toujours la nuit.

La fleur de mon âme nage parmi des taches de couleurs et des ombres noires sans avoir ni mâchoire, ni nageoire. Il se pourrait qu’elle se fasse encercler par ces puissants prédateurs qui mordent pour goûter et que les battements d’un cœur qui saigne atteignent sans provoquer en eux que le désir de détruire. Cela ne m’empêche guère de poursuivre ma vie jusqu’à sa prochaine étape.

L’affirmation tangible, les éclats de rire, les torrents de larmes strient l’espace qu’il me reste à parcourir. J’effleure l’infini et non le vide. J’invite le chaos à me dessiner des cartes ou des tableaux. J’invite la mort à sursauter, à rebondir, à fuir, à décliner des frontières. Je veille patiemment à ce que la vieillesse ne brise pas la toile de mes propos.

Matière de l’éther

Abigail Dace Ethéreal Material
Abigail Dace Ethéreal Material

On dirait que la pluie est un rongeur qui grignote les poutres du toit. Les gouttes ont parfois de petites dents pointues, des éclats de rire translucides.

La pluie construit dans mon esprit un nid de chemins. Au dessus de ma tête se déploie la voile d’un ciel gris, des voies navigables relient le rêve à la réalité, le sommeil à l’agitation habituelle de la vie.

Je me demande souvent ce qu’il reste du réel à force de le plier aux idées que l’on se fait de lui. Existe-t-il quelqu’un qui le ressente autrement que par les blessures qu’il creuse avec le temps ?

Quelque part

photo: Bertrand Vanden Elsacker
photo: Bertrand Vanden Elsacker

Un chemin recouvert de feuilles mortes cherche à se dissimuler parmi les racines et les accalmies de la pluie. Ainsi, j’avance dans la ville, seul, à couvert et sans certitude aucune sur ma route. Les nuances de mon agitation interne n’apparaissent que dans l’enchevêtrement de branches nues. Chacune porte sur la peau la couleur verte du vent quand il se mélange à la pluie, la couleur brune et sombre de la vie.

Mes trajectoires imaginaires sont cartographiées par des branches qui comme des rues traversent le ciel gris. Elles me montrent mes innombrables contradictions, mes retours en arrière mais elles ne m’interdisent aucun nouveau questionnement, elles explosent les cages, elles enjambent les pièges d’une réalité imparfaite que je devrais endosser comme un vêtement qui n’est pas à ma taille. Je traverse la vie comme un félin et non pas comme cette ombre fluette, ce spectre qui ne représente que la plus infime partie de moi.

Il est vrai que certaines de mes craintes me freinent, que mes désistements déçoivent et que mon apparence ne trouvant aucun des mots surgis des convenances dérange. Il est vrai que parfois je me sens aussi vide que le monde, aussi nu que vos silences.

Mes idées sont tellement tenues et têtues qu’on ne parvient plus à croire que j’avance. On pense que je suis une écorce sans force. Ma solitude est un bouquet de traits tremblants, de lignes friables, de secondes et d’heures qui s’entrechoquent avec minutie. Ma solitude est patiente et se laisse caresser par les regards attentifs et tendres. Elle ne me fait pas peur, elle ne me rend pas toujours malade. Elle m’offre des lignes de fuite et s’ouvre sur ces sentiers sans formes par lesquels s’échappent les spores d’une autre réalité.

visitez Fêlure, le tumblr de Bertrand

Clone

Dans le ciel

il y a les points lumineux                        des étoiles

l’agitation permanente              du néant

des lueurs                      finissent de poursuivre                     des trajectoires

il y a ce qui ne porte plus de nom

qui suinte                   qui sombre                               qui se décompose

Dans le ciel          il y a le silence libre                      à l’infini

la houle dévore le temps

et à la dérive

il y a moi             arborant autant de pétales que la nue

et dans le désordre

mon acuité se clone perpétuellement