Douves

Vandelsac

Ce corps 

Doit bien être le mien 

Puisqu’il me fait mal

À cet endroit qui valse et va

De l’os à la moelle de la sécheresse 

À l’afflux de larmes 

Faut-il que je regarde le saule 

Pleurer 

Que je regarde comment le reflet répond à la branche qui se penche jusqu’à effleurer 

L’eau sombre des douves 

Faut-il ignorer ce penchant qui me pousse à devenir autre

Ce grincement

Est donc le mien et non celui du monde 

Lys

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En cet endroit du monde

on a coupé le bras de la rivière

parce qu’il perdait son temps à vouloir abreuver les terres

à rassembler d’improbables troupeaux de cendre il négociait avec les nuages un silence

Depuis l’eau croupit l’eau sombre dans la lenteur

Depuis plus rien n’emporte les fleurs le cordon ombilical des nénuphars

n’est plus rompu

La vase est un épais velours noir lourd et doux 

En cet endroit du monde est une source froide 

naissent des mousses et des forêts d’algues

Aux nageurs de fond à ceux qui posent leurs pieds

dénudés au fond de l’eau

est remis en guise de songes

d’étranges messages

que l’on n’élucide pas

que l’on traduit difficilement autrement 

que par des éclats de rire et des morceaux de vitrail 

Processus

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le jeu inhérent au monde peut commencer
en même temps que le jour
je commence ma partie en le contemplant
pourquoi ne serait-il plus possible
de simplement admirer ce à quoi
je ne prête que des mots
peu m’importe qu’une voix
dans mon dos
répète qu’ils sont tous faux
le ciel est un pétale
la colline un fauve
la mer échange
brumes contre reflets et
ondes contre ondes


image: Bertrand Vanden Elsacker

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Les pages grises

Si ma porte se ferme quelques jours, c’est qu’il m’arrive de ne plus trouver prise nulle part. Aucune forêt pour retenir mes secrets, aucune de mes prières ne trouvent plus d’écho. Je reste vide dans une caverne vide, une gorge qui ne contient plus aucun mot.

Je n’ai pas grand chose à cacher dans ma petite coquille, si ce n’est la peine. Ma peine : comprendre votre monde, apprendre vos attitudes, déchiffrer ce que vos phrases cachent dans leurs nœuds. Vous ne me rendez pas la tâche facile.

Hier, votre soif de vengeance m’a fait trembler, votre peur du passant m’a révolté. Faut-il toujours faire partie du même clan pour être apprécié ? Lorsqu’on donne tout, il ne reste plus rien à voler. On ne peut plus faire de l’autre un menteur ou un voleur.

Si vous vous cachez sous une croûte de fausses vérités, si vous me faites prendre des détours, traverser des déserts ésotériques, si vous manipulez les mots pour torturer les phrases lorsqu’enfin, je toucherai à votre source, sera-t-elle encore assez fraîche que pour éteindre mon dégoût?

Les jeux que vous proposez, n’amusent plus que vous mêmes. Qu’est-ce que j’en ai à foutre que vous invoquez le hasard de la wiki pour dissiper votre ennui !Vous faites du rire une ironie vaine. L’autre est toujours plus con que vous, n’est-ce pas ?

Heureusement pour moi, des auteurs étanchent encore ma soif. Des cœurs simples existent sans peur. Une écriture limpide, une écriture du plaisir qui se partage, trouve encore le courage de se laisser couler sans naufrage.

J’ai parcouru quelques blogs et puis lassée, j’ai relu Mishima:

L’eau continuait de s’écouler peu à peu. Le niveau de l’eau chaude s’abaissait lentement de son épaule à ses seins, puis de ses seins à son ventre. L’eau semblait ainsi lui lécher paresseusement le corps, délicates caresses qui laissèrent bientôt sa peau tendue. Le froid envahit son corps. Son dos était glacé. L’eau tournoyait maintenant plus vite et plus bruyamment tandis qu’elle laissait ses hanches à découvert.

« Voilà ce qu’est la mort, pensa-t-elle. C’est la mort. » Etsuko était sur le point d’appeler à l’aide lorsqu’elle retrouva ses esprits. Elle était agenouillée, nue, dans la baignoire vide. Elle se redressa, effrayée. P170 « Une soif d’amour » Yukio Mishima

La face cachée du monde

Il y a des mots qui n’existent pas. Ils flottent dans le vide sans que jamais personne ne les appelle. Pour eux, ils n’existent pas de catégorie, de règle qui leur donnerait un quelconque sens. On ne sait même pas s’ils attendent de se trouver une chose, un précepte, un commencement d’idée pour se fixer.
Ici, j’ai appris à reconnaître les mots. Il y a ceux qui conviennent et ceux qu’il convient de ne pas prononcer. Il y a ceux qui durent toute une phrase, toute une strophe, tout un poème, toute une vie ou ceux qu’on oublie si tôt qu’on les a prononcé. Il y a des mots pour les jours de pluie, des mots pour l’amour, des mots pour la nuit et même des mots pour le silence et la mort. Tout trouve une place.
Pour venir jusqu’aux gens, il faut que je mette des gants à mes mots. Certains, m’a-t-on appris, sont tranchants comme des lames de couteaux, d’autres sont bien trop doux ou trop beaux, ils sont presque transparents, on peut à peine les voir et presque pas les entendre.
Certains mots mentent tellement mieux que moi, que je les laisse parler pour moi. Ils me dépassent et je leur cède largement la place. Pour les penser et les dispenser, je ne me sers pas de ma voix, je les écris. Je les écris tellement fort qu’il leur arrive de faire trop de bruit. Certains sont des leurres et d’autres ne sont qu’à moi. Ils sont insolents et n’ont jamais mal au coeur. Ils font pleuvoir les insultes, parfois.
En dehors du monde, qu’on a pris soin de nommer, pour lequel une place est accordée à tout et à n’importe quoi, au delà du monde des noms, de leurs règles et des chemins qu’on suit pour les connaître, il existe un monde où les mots n’ont pas encore trouver de place, ni derrière une virgule, ni devant un point. Il est un monde où les mots ne suivent pas comme des agneaux le fil de la phrase. Ils vont sans grammaire, sans savoir, sans lois, sans dictionnaires, où bon leur semble. Il existe un monde où tout reste à écrire.