Mécanique paisible du grignotement

charlie mackesy

De sa vie elle ne se souvient que de quelques points
comme les trous d’un gruyère qui sont autant d’espaces
où se lovent les lunes de cette planète étrange et sèche

Peu importe chaque point est en phase avec une sorte de
lumière interne flasque et diffuse jaune et orange
chaque lune s’alourdit un peu plus chaque nuit, chaque fois qu’on évoque son point d’attache

elles sont comme les fruits que l’arbre habille de taffetas vert foncé quand il pleut
elles disparaissent en silence lorsqu’on tente de les mesurer d’en confronter la profondeur, de discuter de leur pertinence ou de la vérité

Entre ces quelques étapes
Entre ces points sur les cartes
Entre ces miettes ces cratères culminent les sommets invisibles, inracontables d’une vie faite d’oublis

Elle raconte que les fleurs s’alourdissent en cette saison de papillons d’un poids insupportable qui ploie les branches et fait basculer les frêles graminées  

la tourterelle pour boire est obligée de marcher sur sa propre ombre trempée qui l’entraine ensuite à voler en soufflant comme un cerf-volant sauvage et incontrôlable

Pour s’agripper à l’existence telle qu’on la leur propose certains astres n’ont pu inventer que les glochides 

De sa vie elle se passe de s’en rappeler comme si cheval elle l’avait complètement broutée du bout des lèvres

Cette mécanique paisible du grignotement de l’espace personne ne s’en soucie vraiment
à ce petit galop s’associent d’autres galops d’autres allures, l’ampleur est variable mais le rythme est identique

Effacements

Le vent ne porte pas en lui que les nuages
il porte aussi
le miaulement furtif d’un jeune enfant
l’appel langoureux d’un oiseau
l’écho d’une source qui scintille dans les aiguilles d’un pin
le frisson de la fleur
qui vient de perdre son dernier pétale
et il porte aussi l’effacement meurtrier de tous les bruissements de mon âme
Demain seras-tu celui qui ne se souvient plus de rien?

Lys

source image 

En cet endroit du monde

on a coupé le bras de la rivière

parce qu’il perdait son temps à vouloir abreuver les terres

à rassembler d’improbables troupeaux de cendre il négociait avec les nuages un silence

Depuis l’eau croupit l’eau sombre dans la lenteur

Depuis plus rien n’emporte les fleurs le cordon ombilical des nénuphars

n’est plus rompu

La vase est un épais velours noir lourd et doux 

En cet endroit du monde est une source froide 

naissent des mousses et des forêts d’algues

Aux nageurs de fond à ceux qui posent leurs pieds

dénudés au fond de l’eau

est remis en guise de songes

d’étranges messages

que l’on n’élucide pas

que l’on traduit difficilement autrement 

que par des éclats de rire et des morceaux de vitrail