Amble

Stone Horse head relief, ca 14000 BC. Paleolithic: Magda-lenian. Angles sur l’Angleu. Vienne FR. ©Kathleen Cohen

Cheval au pas

Cheval au pré 

Galop persistant 

Dans l’enclos de mon âme 

Nue noire

Cheval pommelé enrobant 

N’importe quelle histoire 

Cheval de vent et de neige 

Sale

Pas un mot ne parle

De sa crinière et de ses naseaux 

De son garrot au repos 

Quand on le panse 

Quand il vous regarde 

Depuis ce fruit illuminé 

Par les reflets du monde

L’oiseau

https://www.flickr.com/photos/margaret_van_patten/3716460059/in/faves-napoleoncomplex/

Le vent est un bouquet d’oiseaux
si le chat
capture une des fleurs d’un coup de patte
et l’emporte
et puis
délicatement la pose sur un petit bout de terre nue
et froide
on voit qu’elle a des plumes d’un blanc perle et qu’elles se superposent à un rang de plumes brunes et noires
ce corps sans voix se laisse fondre
le bec n’est plus qu’un petit cône de paille à peine fendu
Entre mes mains comme un nid il m’inspecte m’implore
son ventre là où le coeur habite est d’un vert olive ou d’un gris poudré
le volatile se serait baigné parmi les mousses et les lichens qui gravent les écorces
toutes les plumes sont si petites qu’elles cachent mal
les meurtrissures.
Longtemps après je vois encore l’oeil briller la paupière lentement se plier.

Je n’ai jamais vraiment su distinguer les couleurs grises et vertes entre elles. Était-ce vraiment là l’endroit du coeur   à l’instant je viens de le voir luire dans un morceau du ciel qui grince et crie

Ruisseaux

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/5/5c/Motacilla_cinerea_4_Luc_Viatour.jpg

Tous les jours, quand le soleil est encore humide, la bergeronnette des ruisseaux picore l’invisible. Frôle les surfaces réfléchissantes de l’eau. Elle mange des étincelles jaunes et blanches, bleues et grises. Elle avance en oscillant son corps prolongé par les plumes incroyablement longues de sa queue. Un gouvernail qu’elle semble avoir du mal à gouverner par grand vent. Elle vole en bondissant d’une phrase à une autre reliant les bribes d’un silence en dessinant des arcs.

Comme il doit être difficile quand on possède au corps aussi fragile de soulever l’impitoyable orchestre symphonique de la vie. Les instruments à cordes ne sont pas forcément les plus agiles, les souffles sont multiples et les poings et les coudes ne répondent la plus part du temps qu’aux lourdes locomotives. La mécanique répète inlassablement ses habitudes, n’a pas l’ampleur pour agir autrement.

La bergeronnette, elle, elle dévie, devine qu’elle n’a pas forcément le choix. Les secondes s’évaporent mais les souvenirs sont toujours de plus en plus forts, de plus en plus épais et lourds. Chacun d’entre eux se démultiplie en pièces inutiles et perdues du puzzle qu’on s’efforce sans espoir d’y réussir à reconstituer.

Si l’on en possédait les morceaux intacts restitués chaque nuit aurait-on encore le besoin impératif d’écrire, d’annoter les bribes complétées d’un titre, préserver en elles un numéro magique, un chiffre mystérieux qui défriche jusqu’à la moindre parcelle embroussaillée des rêves, des histoires mobiles plus habiles à disparaître qu’à nous aider à cueillir une vérité?

Filet

19665219_448448795532490_3747793429865667863_n
©Bertrand Els

Les toiles à force de brasser

les pluies 
de couleurs, de traits

et les effacements
 se sont défaites

finies les trames

déchiquetés les réseaux

ne restent plus que les fibres

décharnées étiolées

presque libres 
vaincues

c’est qu’elles n’offrent plus

que des aiguilles de lumière

ce que je parvenais à retenir

n’existe plus

je ne me souviens qu’avec peine

de l’azur


Source image

Évagation

tumblr_onb2hlX4vS1suuc8do1_1280
©Jean Pierre Bourquin

Aller jusqu’au bout de moi sans
avoir même le droit de penser
y parvenir
là faire une pause s’assoir sans
plus voir ici
aucune jambe malade
regarder
comparer l’infini
gardé en mémoire

partout des voies ourlées par les vagues
dessinent aux
certitudes volcaniques du jeu qu’est la durée
des corps des visages de statue

aller les ailes devenues un fardeau
sur les chemins d’un retour
sans parvenir à joindre ses pas
à leurs empreintes
aller l’ombre entaillant l’espace qu’explore
inlassablement le soleil

Mustella nivalis

MSU V2P1b - Mustela nivalis subspecies painting

Le chat s’était posé non loin de moi     sous la tonnelle
afin de profiter d’un même brin     d’air frais
alors que j’allais me mettre à écrire
est apparue  calme   décidée
une belette
comme pour marquer
entre l’exubérance affolée du jardin    et la maison ouverte
un trait d’union
un trait vif    d’une certitude
aiguisée

soudain le chat
la belette alors
a dessiné
un dernier trait
enchanté
entre le jardin et le ciel
entre ce que j’allais écrire et la réalité    qui ne peut    me rappelle-t-elle     que s’échapper       comme elle
le point final         -mais serait-ce le dernier-    je le pose comme un chat endormi
aux abords d’un rêve     plus vrai que nature         les souvenirs le soulignent et l’encerclent
avec de plus en plus d’insistance
petits yeux de jais        fourrure de feu et de neige        est-il possible que
l’animal
ait jamais eu    l’intention de se défendre     au lieu de fuir         dans une faille entre deux rochers

Ténébreux

fb00b7b42b311371f6bc7ef8bc8b91d4

Dans la baie de mon bras, la nuit est un chat. Pas encore noire, elle luit, bleuit, éclate, effleure, ronronne. La fourrure féline montre les formes sombres des rayures ou les déclinaisons magiques de taches presque rondes comme les astres. La nuit a des griffes rétractiles et une langue rose. Quand elle marche, elle ne fait pas le moindre bruit et parfois elle ose montrer l’endroit de son ventre où elle est blanche. La nuit apprivoise la patience en la reconnaissant du bout de la moustache tendue vers l’espace comme le pistil d’une fleur odorante.

La nuit morceau souple et soyeux de l’infini me regarde et me file un coup de patte si jamais je me penche plein de larmes vers son épaule. Son regard est celui de qui se nourrit de comètes et des miettes que laissent les étoiles derrière elles quand on croit qu’elles s’attrapent comme des souris.

Sphère

Rony Plesl

Mes mains ont toujours été le théâtre de lignes

échappant à tous les chemins

elles se croisent, elles sont comme des plantes grimpantes

des queues de comètes

mon esprit a toujours été le champ où se poursuivent

les questions sans réponse

où naissent des bourgeons fiers comme les pointes des flèches

°

la poésie n’est pas ce fantôme qui cherche dans tes poèmes un tombeau