De la veine

Ant on Desk

Par SteampunkGypsy [CC BY-SA 4.0 (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0)%5D, de Wikimedia Commons


 

Sur cet avant bras qui est le mien

le long de la veine bleue 

qui va vers le poignet 

une fourmi avance

arrivée au point où débute la main

elle se demande vers quel doigt progresser

elle tâte l’air et touche la peau de ses antennes

mord le pli dessiné par une ride 

et choisit la voie qui va

vers le pouce 

celui qui ne bouge pas d’un pouce

celui dont je regarde l’ongle rose

comme un pétale 

la fourmi explore l’arc 

il ferait le pont se dit-elle entre moi

et le reste de la colonie

je pose à plat la main sur la table en bois

et la fourmi va en suivant d’autres veines

Finalité

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Anish Kapoor, Zonder titel 1992 polystyreen, aluminium, fiberglas, acrylmedium en pigment diameter 220 cm, ruimte 480 x 240 x 380 cm 1993.AK.01

Parmi les nuages
la nuit
l’hiver
le froid
la pluie
la lune
elle finit par descendre et se pose
sur les branches d’un pin aux aiguilles argentées
elle choisit sûrement celui
qui la suivra un jour
enfin ce sera moi
parmi les nuages
la nuit
l’hiver
dans le froid et la pluie
je vois ton visage celui
que tu n’avais pas alors
que tu étais encore en vie


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Renoncer

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Les mots comme les petits cailloux blancs
que tu jettes dans l’eau
quand ils se déposent sur le fond tremblant
te rendent ta part de silence

transpercer la transparence donner à l’apparence
la valeur froide qu’elle mérite
muer de malveillances en malchances
muet


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Sisyphe

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©bertels via https://elsacker.tumblr.com/archive

Il s’est représenté comme dans un rêve sa propre chambre
assis face à la petite table un homme chapeau noir est en train d’écrire
penché vers l’avant on sait qu’il ne peut voir son écriture qui grignote la feuille comme des termites le bois
il ne lit pas que la chambre se délite au profit d’une forêt
traits et rainures
corbeaux d’ébène
il ne vit pas ailleurs que dans sa solitude
parfois il la déteste souvent elle l’inquiète pourtant il sait que salie par les regards désapprobateurs d’une partie du monde celle qui occupe vaguement les humains, il sait que sa solitude est solide comme les jades couleur gras de mouton et les agates dont le cœur est la représentation exacte du temps qui passe et puis se fige.
Il regarde l’homme son opiniâtreté à inscrire son ombre il voit en lui un ami une âme qui se consacre à gaver les lits des rivières de petits corps célestes qui peut-être ne se volatiliseront pas complètement après l’impact.

Résonance

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Bertrand Els

Une source
se déverse en flux
veloutés et sombres
comme si elle ne voulait
que se transmettre par
ombres

Une source
donne aux mondes
un parfum d’eau
pluie fine et galets brûlants
mélangent
les mêmes souvenirs
étranges

Une source
animale
serpente enlace
l’encre sert en secret
les sentiments

Une source
lente
s’enracine se délie
longue sentinelle
de signes étincelants
qu’enraye parfois
involontairement
mon esprit qui
tente l’écho
presque muet


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Paraphrase

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NPR RADIO PICTURES

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N’existent plus
les ombres
quand le monde végétal
s’abrite au fond du lac blanchâtre
de la lumière
les verts remplacent les noirs
les tiges les troncs et les hampes florales
décident de l’espace à explorer
à la place des phrases
point de vent
points d’hésitation dispersés au large
pour
arrimer la pensée élaborer la conscience

le chuchotement
la chute
le foisonnement
et plus rien
qui ne s’attache à faire du sens
la réalité ressurgie d’un songe
au détour d’un chemin
bordé de ronces dévoré de débris de roches
qu’un millier de pas écrasera sous
son poids

Navigable

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©Bertrand Els

Le vent est dans l’étoffe
la voile s’étend et forme comme une nageoire
j’entends comment
mon rêve s’apprête
à quitter souplement sa planète
qui à chaque fois reste
naviguer entre nuages et ciel
entre vagues et pressentiments
je vois la quille sabrer les profondeurs
de la nuit tranquille
le vent est dans les feuillages
qui se brisent houleux
contre la nuit
son corps aux rondeurs
éblouies dans chacun de ses mouvements
imite le son que font
les vagues quand elles quittent la plage
restent le sable l’étonnement de l’air
devenu marin et soupir
mon désarroi enfin ne s’abrite plus
nulle part

Encadrement

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J’avais tant chercher le point
à partir du quel je pourrais établir
mes racines
ce qui ressemble vaguement
aux souffles vivants des souvenirs
haleine de mon âme
que mon attention se laissa contenir
dans un cadre
un cadre comme ceux qu’on fabrique aux miroirs
qui avec le temps
arrondissent les angles
au centre la fente d’une pupille de félin
mon regard n’avait rien de féroce
nourri de soleil il avait soif
soif de cils
un trait à la fois pour l’ombre et la poussière
un trait au départ d’une lettre à la fin d’une larme
à force de plonger au sein de ce qui fait le regard
j’atteindrai peut-être la plage irisée
laiteuse comme la peau
du visage
de la lune
la nuit sera le multiple de ce point sombre
qui n’existe pas
énergie noire de mon regard
comment n’a-t-il point perdu espoir?!


Image ©Bertrand Els

Microclimat

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Bertrand Els

 

Au dessus de moi l’énorme masse nuageuse d’un mot
d’une phrase comme une montagne
si dense ……si noire si rugueuse qu’elle pourrait porter le nom

de l’absence
ignorance sombre et venimeuse oubli vertigineux
suspicion qui invente des vérités à gober
sans s’étonner
je suis sur le point de céder sachant même si je l’espère que rien

rien

ne peut me soulager de l’oppression
de la peine
de l’étouffement
de la noyade
qui s’enchâssent
rien
et pourtant alors que je ferme les yeux
je sens un puissant courant mener sa propre route
un halo nait dans un nœud
un reflet prend feu sans consumer sans rien rendre en cendre
Au dessus de moi énorme ma volonté

plus volatile que  plumes et  neiges
plus liquide que l’air plus fluide que la pluie

s’empourpre
au dessus de moi une colère encore prisonnière
sur le point de se laisser dompter

devient soudain le cri sourd d’un astre dans son

univers