
Je suis une aigrette et
pour cueillir le présent il
faut que je plonge
mon bec dans le
passé les pieds glacés
les plumes parfois si
proches du ciel noir et
l’oeil inquiet en direction
des sommets bleus que
la neige hante on dirait que
le monstre enfin dort la
gueule ouverte délaissant
un instant le pouvoir
de commettre de ces gerçures
qui vous brûlent les mains et
le bord muet des mots
sur sa mâchoire on peut
voir qu’il a encore
toutes ses dents qu’elles
ne connaissent ni le doute
ni les regrets et ne se souviennent
jamais des morts
je suis l’aigrette et je plonge
mon bec dans l’eau sombre
à la recherche d’un écho
d’une onde légère et
souple et blanche qui
ne soit point un poids de plus
pour mon coeur
son antre ma caverne ma
béance au milieu d’un fleuve
qui berce en ses nuits
quelques fleurs comme des étoiles