Turdus merula

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En tenue nuptiale sur la plus haute branche

du lentisque

l’oeil cerclé de jaune il regarde

il regarde la terre

il regarde le ciel

le jardin diffusant ondes lumineuses et parfumées

il regarde le frémissement des feuillages

vole fait quelques pas montre l’éventail noir luisant de ses plumes

s’évapore 

et quand il chante plus tard tu sais que le jour est mourant

L’espoir

Le jardin a longtemps cru

en un retour du printemps
sans passer par l’hiver.

Aucun feuillu ne s’est dépeuplé.

En passant par une floraison timide

il en est un qui a conçu des fruits

le poirier.

Le premier à comprendre fut le figuier

c’est que cette année exceptionnellement 

il avait produit à deux reprises

tellement de figues qu’il était fatigué.

Les autres se sont fiés à ceux qui jamais ne perdent 

toutes leurs feuilles en même temps

si bien que quand elles se renouvellent

on le remarque à peine.

Sur le poirier une dizaine de nouaisons

et un peu plus tard des poires rougeoyantes

parfaitement formées mais sur lesquelles

il n’y a presque rien à manger.

Un coeur autour de quelques pépins!

Que dire de ceux qui ne s’habituent pas!

Hier, la neige est tombée en quelques flocons 

sur une cime très éloignée

mais le vent a transmis la missive anonyme et froide .

Forêt

© Bertrand Elsacker

Dans la forêt d’eucalyptus il n’y a plus personne

quelques pins et leur broderies d’aiguilles 

un silence d’écorce et parfois quelques plumes

la cime sert de nid au milan

il miroite au soleil parmi mille feuilles

éclaboussées par le soleil

Aujourd’hui on entend la mer

filtrer la lumière

avant de se mélanger aux saveurs automnales

du maquis 

Héliophile

Bubble © Brian Bonham

Quelques billes de verre se heurtent les unes aux autres

celles que j’appelais oeil de chat

quelqu’un les égoutte entre les doigts

sur les troncs roucoule une source fantôme transformée en ombre

veloutée

un vulcain un machaon un flambé et quantité affolante de piérides de cuivrés d’azurés

La carte géographique

et puis celui qui est comme le plus petits des colibris

répondent chacun à l’appel ciblé d’un parfum

que dire d’elle

la seule qui à la nuit tombée choisit de se poser

ailes ouvertes sur l’incompréhensible transparence

d’une fenêtre fermée autour d’un soleil doux

apeuré 

nymphe nacrée teint de lune argentée elle 

choisit presque toujours la nuit pour apparaitre

L’ombrageux

Une Graminée

gravit le souffle frais

du vent avant l’orage 

l’ombrageux va agitant l’encolure

et des oliviers le plumage vert argent

à l’appel langoureux 

de la tourterelle éternellement 

seule et assoiffée de ciel 

un soleil solitaire sème 

nuages 

particules safranées

et ce qu’on retient des vagues

quand elles se sont dissipées

et qu’on se dit

ce grain de sable sous le regard

finalement

ce n’est pas si grave

Le Flambé

Iphiclides podalirius-©cc

Le soleil sur un plateau de nuages

navigue au-delà de la

ligne imaginaire qui finit l’horizon

il frôle les cimes tel un fantôme

la foule des feuilles flamboie

poudre pourpre au coeur des fleurs

qui se soucie de celui qui est seul?

le soleil en mer noie sa propre lumière

l’iris rêve ses sépales comme des ailes

depuis les temps de la fin du Crétacé

Cet insecte craint moins que toi

crétin de se brûler les ailes

Mis en échec

Au loin le mât d’un voilier

comme s’il s’agissait de son squelette
rogné
mais la pluie soudaine rappelle un bruit d’étoffe

la musique de corps qui se confrontent
la coque les flots le bois et l’eau le sel le ciel 

le vent

à ce moment-là

j’aperçois uniquement mon désarroi

le mât n’est pas 

c’est une grue de chantier

en train d’effacer ce qu’il restait de sauvage

à une poignée de rochers surplombant

la mer

Marine

Dans le port

la mer

dans la baie

la mer

tout autour du ciel

la mer

jusqu’à dépasser l’horizon

la mer

murmure

sur le rocher parmi les mousses vertes les lichens noirs

la silhouette du Monticole bleu

La signature parfaite pour une marine