
Son coeur est aussi profond qu’un puits
parfois il me regarde depuis
l’abysse
son visage identique à celui de l’ange
qui éclaire la nuit
parfois j’entends son murmure
une voix lactée
un sanglot de source
un chant de pluie
Son coeur est aussi profond qu’un puits
parfois il me regarde depuis
l’abysse
son visage identique à celui de l’ange
qui éclaire la nuit
parfois j’entends son murmure
une voix lactée
un sanglot de source
un chant de pluie
Comme un rocher penché
vers le vide qu’il contemple
mon coeur
***
Toujours de l’astre
je ne vois que le visage
éclairé
***
Et pourtant je sais
qu’il regarde en face
l’obscurité
***
Suspendu à sa propre ombre
il ne défriche pas la forêt
sombre pour se déplacer
***
Dans un nid de lianes et de brindilles vertes
il se console en écoutant
sa propre respiration
***
Il vit malgré lui et c’est
contre la captivité qu’il se bat
mon coeur
***
Petit animal dont la robe luit
et se soulève à chaque souffle
de son propre rêve
***
Parfois quand il n’en peut plus
tout en évitant de se défaire
il se retourne sur lui-même
***
Le jardin correspond avec quelqu’un que personne ne regarde. Ce fantôme a besoin de peu de chose pour poser la voix qui fait frissonner par ses silences les feuilles lourdes de la torpeur.
Que comprendre des mots qui se retiennent de tomber là où poussent les humains mais se récoltent à foison dans les flaques dont la surface sert de miroir à tous les visages de la mer?
La pluie, petite poule blanc neige picore des graines invisibles. Parmi elles, il doit bien y avoir quelque perle, quelque promesse oubliée et quelques unes de mes larmes anciennes.
Parmi les nuages
la nuit
l’hiver
le froid
la pluie
la lune
elle finit par descendre et se pose
sur les branches d’un pin aux aiguilles argentées
elle choisit sûrement celui
qui la suivra un jour
enfin ce sera moi
parmi les nuages
la nuit
l’hiver
dans le froid et la pluie
je vois ton visage celui
que tu n’avais pas alors
que tu étais encore en vie
la nuit n’a ni
visage ni mains
juste un corps et de vagues jambes
qui ne la portent presque pas
brune brumeuse elle bruit
déjà naissent les premières paroles du jour
un bus passe sans ralentir
la route noire luit
les arbres s’efforcent au silence
au loin l’air tremble
je me tiens là debout à peine
éveillée
Ses mains aux ongles de nacre rose sont posées sur le lac immaculé du drap qui le borde jusqu’au buste. Je viens de lui signaler que la lune ce matin a déposé son tout petit baiser sur ma joue. Il dort. Il n’entend rien. Il ne sait pas qu’elle était rousse, que son visage illuminé semblait frôler la cime des arbres gelés.
La mort est en train de faire un nœud dans ma gorge, je ne veux pas qu’il me voie pleurer. J’ai peur, j’ai froid.
Devant le médecin, voilà qu’il se transforme en statue. Il ne dit rien, il ne répond rien comme s’il était déjà parti.
Ma main le retient : « dis-moi, puis-je revenir demain ? »
Mes larmes
parcourent un espace pour le suspendre
à un fil de soie comme le corps de l’araignée
comme le songe à la matière qu’il est censé toucher.
Mes larmes, étoiles lointaines qui sanglotent
algues et chevaux de lumière subissent
aléatoirement les lames de mon âme
laissées à elles-mêmes
elles ne sont ni racines, ni raisons
elles signent mes perceptions – seraient-elles à ce titre des mensonges ? –
Elles tracent les rides sur mon visage
se creusent un lit comme celui de ces rivières fantomatiques
dans les déserts
mes larmes transportent la transparence de mes émotions,
leur inutilité est souvent
évidence
mais mes larmes me lient tendrement
à cette chose en moi qui s’efforce d’avancer à contresens
Je croyais qu’entre toi et moi
il ne restait pas qu’un espace vide,
que tu voyais que ma main
effleurait tes silences
t’attendait en retrait avec la patience
limpide et solide du cristal.
Les plumes légères de tes ailes
sont devenues des griffes,
elles ne protègent plus
tes sentiments fantomatiques
tu n’as plus de visage,
voilà que je l’efface facilement.
Sont nés de ton labyrinthe de non-dits
des vieilles rancunes,
des espoirs déchus.
Tu n’aimais plus que gouverner
mes heures.
Voyais-tu encore seulement que j’existais
à la manière des anges et que mes plumes
servaient à me décrire en transparence ?
À quelles paroles as-tu prêtées plus d’importance ?
La forme la plus simple d’aimer
est la sincérité.
Alors, je me suis envolée à tout jamais
sans éprouver le moindre regret de m’être gaspillée rien
que pour toi et cette île au trésor qui n’existe pas.
Je croyais vraiment que tu te consacrais à la construire.
Je ne suis plus une colère,
le fantôme qui tremble
de ne pas correspondre aux moules
dans lesquels je ne faisais que fondre
en larmes
comme les déchets d’échecs en échecs
de dépressions en dépressions.
Aujourd’hui
je monte et te démonte.
Je suis désormais si loin de toi
que je ne reviendrai pas.
Il n’y a plus de haies
nerveuses du piaillement
de moineaux qui se disputent
un morceau de faux printemps
ni de passants perdus
qui pourraient me parler
de celui que tu es
vraiment devenu
à côté de quelques cendres
et de ce magma noir qui a
tellement vieilli qu’il est devenu
dur.
T’es-tu seulement aperçu de ce que tu as perdu ?
Peter Alexander
Petit geste doux et rond de la nuit
tu me rappelles celui
qui enfant me baisait le front
et regardait du bord de mon lit
le sommeil peu à peu se poser
sur mes paupières sur mes lèvres
et allumer mon visage d’une lueur
identique à celle de la lune