Prodigue toujours ta beauté sans compter ni parler. Tu te tais. Elle dit à ta place: je suis, puis en multiples sens retombe, tombe enfin sur chacun. Rainer Maria Rilke
La carcasse du cétacé comme l’ étoffe nuageuse d’une âme attirait toujours plus de squales perfection de l’aileron et de la nageoire caudale la peau bleue similaire à celle des vagues la mort enfin ressemblait à une parole sans équivoque était claire comme le geste gracieux d’une danseuse étoile
Pourtant ils ont pris peur les hommes qu’on leur impose des leçons de moral une éthique de la vie une colonie de lois des restrictions collectives à leurs commerces de la mort
Alors le cadavre ils l’ont drainé vers large comme un linge sale loin des bais et des ports une dépouille de plus jetée dans la fosse commune
la mer serait une nécropole où l’on ne peut plus qu’espérer
voir deviner
la silhouette tranquille d’un squale qui viendrait pour la nettoyer
Par la fenêtre il regarde les vagues certaines halètent en prévision de la plage d’autres repartent
Dès que la porte s’ouvre il bondit vers l’air libre il saute sur la table où sont posés des légumes et des fruits l’odeur des végétaux l’intrigue il décortique le message qu’ils ont pour lui provenance fraicheur et quelques détails sur le propriétaire de l’endroit où ils ont grandi
Il va rêveur de par ses chemins habituels qui favorisent de longues trainées d’ombres Il va évitant les flaques de soleil Quelques sifflements annoncent sa présence aux autres habitants du jardin Personne qui ne sache que son errance a commencé
Le vent mélange les murmures entre eux Ceux des vagues ceux de l’eau ceux des feuillages et ceux du temps qui passe
Il va silencieux Il sait que ses pas et ceux de l’éternité ont quelque chose à se confier un mot enrobé de patience un mot qui ressemble à un miaulement qu’il est le seul à comprendre.
Le félin sur le chemin de ses quotidiennes habitudes une trace olfactive à traduire des milliers de rêves sont passés partout où il va ondoyant comme la signature d’un poète amarrée à l’encolure des phrases qui lui échappent.
Le petit chat regarde un bruit se poser sur l’eau, il en perçoit l’onde étrange et lumineuse. Il attend qu’elle se débatte, qu’elle fleurisse. Il guette la goutte qui deviendrait papillon et puis comme d’autres bruits plus puissants effleurent les soies de ses moustaches, il s’éloigne à pas lents, silencieux et dont les ondes par cercles concentriques se rejoignent et se quittent. Un tableau musical sans musique, une toile sans autres fibres que celles qu’utilise mon esprit pour se regarder se construit. Une histoire sans but, sans sujet, sans aucune habitude vient de naître et puis de disparaître à jamais.