Prodigue toujours ta beauté sans compter ni parler. Tu te tais. Elle dit à ta place: je suis, puis en multiples sens retombe, tombe enfin sur chacun. Rainer Maria Rilke
Le bruit de tes pas au milieu de la forêt et les racines qui entre elles parlent de ta progression comme si tu étais toi aussi un végétal. Le fourmillement de la poussière, l’ombre et son odeur d’humus. Ton souffle, une source.
La canopée déchiffre mon souvenir car je lui demandais vaguement ce qui me faisait souffrir. Ce qui résonne en moi et qui fait en sorte que jamais tu ne t’éloignes? On ne sait pas. Aucune de mes promenades ne parvient jusqu’à la réponse.
Je ne vis pas avec des fantômes morts depuis longtemps, chaque écho, chaque présence s’attache à l’essence de la vie. La transparente résine qui aborde l’azur, La tranquillité de la feuille qui dort loin de sa branche. Le calme épanoui. Voilà ce qui circule dans mes veines, qui connecte mes neurones avec le présent. Tous ceux qui cherchent à me détourner de ce rêve, me mutilent.
La forêt, les arbres comme des aiguilles brodent, les écorces se fendillent et éclatent. Ton coeur écarlate est le navire qui aborde les rives. L’écume de chacune de tes vagues dessinent l’ampleur de ta démarche. Son rythme. Qui peut reconnaître en toi, la valeur du vide? Le corps du rien lové dans celui de l’échec ?
Tu perds, disent-ils, de ton étoffe mais ta robe ne deviendra jamais grise, l’éclat de ton oeil sera toujours celui du jeune fruit et ce que tu écris sans doute s’effacera longtemps, très longtemps après toi, sans que je t’oublie.
Va, vent, lumière de ma vie. Petit flocon de pluie, pollen évanoui au coeur de la ruche. Va, cheval de feu! Sois et reste mon ami.
L’insecte en moi dissèque tout ce qu’il voit. Il ouvre et referme tous les volets d’une idée, toutes les portes d’une pensée de plus en plus vague et dont les reflets se propagent en miroir. Des voies, il retire de minuscules graviers que chacun de ses doigts tâte, manipule. De là, germent les mots qu’il ne prononce pas mais accumule en tas. Il englue de salive des phrases entières afin qu’elles se soutiennent entre elles.
Pour quelles raisons? Je ne sais pas. L’insecte ne parle pas. Il observe, il s’observe. En le regardant, on croit voir un bouclier frappé de l’écusson d’une famille de guerriers disparue, oubliée. On voit l’écho de son ombre se perpétrer dans l’espace. On entend qu’il déplace grain par grain le silence. L’insecte remue des montagnes. On entend au loin le rocher, caillou immonde ramper. Il grave de ce cri ma peur ancestrale. Il creuse, il ronge les regards jusqu’à en extraire la bille noire.
L’insecte en moi cherche, envahit, contourne. Il habiterait un retable, un triptyque, une de ces petites armoires qu’on vénère sans savoir. L’insecte en moi a peur. A faim. A froid. A besoin d’apprivoiser la chair qui bouillonne à l’intérieur de son squelette. Ce qu’il montre est presque toujours ce que l’on cherche à cacher.