Mégalopole

Nagasawa Rosetsu

Le sentier sinue

Serpent de la possible phrase

Rivière du texte

Mais personne n’est en mesure 

De calmer les syllabes 

Quelqu’un a osé les appeler 

Bave

Animal sauvage 

Raie cartilagineuse

Sans prendre en compte qu’elles sont un tout à l’instar de la fourmilière 

Toutes identiques à moins d’être nourries à l’état larvaire

D’une image d’un symbole d’une volonté consciente et aimante 

N’importe quelle fourmi semble-t-il peut devenir reine établir son royaume !

Construire sa cathédrale sa mégalopole !

Harpe

Sharon Etgar - Thread drawings
Sharon Etgar – Thread drawings

 

Ce qui tient le monde en équilibre et se partage ses pans d’ombres, ses sources noires, ses voies sombres.

Ce qui orchestre et dirige l’harmonie, égraine l’énergie positive en taches lumineuses et soyeuses.

Ce qui tranche le soleil comme un agrume au jus acide.

Ce qui découpe patiemment le temps et ses espaces d’étoffes blanches, de grains de sable.

Ce qui contourne mes peurs, les décapite, les broie.

C’est mon écriture. Danseuse étoile, équilibriste, jongleuse. Mon écriture, ma soeur, mon âme, mon dédale.

De peu elle me sauve,

D’un fil elle fait le cheveu qui tombera dans la soupe.

D’un mot la phrase se lance à la recherche des lettres qui la composent, des sens qui la décomposent.

Parfois sous la pointe aiguë de ma plume, le monde glisse, s’échappe, se disloque, s’évapore, se cristallise.

À l’extrémité se tiennent les certitudes éphémères, absurdes, solides perfectibles.

À l’opposé s’aborde en quinconce, une réalité à lectures multiples, un songe nu, un mensonge cru.

Au sein de la toile qu’elle tisse, des histoires qu’elle brode, mon écriture n’est pas l’insecte pris, le personnage principal, la chrysalide.

Elle est le principe, la décision finale, la harpe, le croc, la blessure animale.

Mon écriture décide, organise, planifie, renverse l’ordre qu’elle établit.

Un simple point signe sa mort.

Le site  de Sharon Etgar

Les fourmis blanches

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Écrire serait-ce graver avec de la lumière dans le noir ? L’écriture deviendrait-elle ainsi le fil conducteur de la vie où ne sommes pas que des objets, des passants mais de véritables acteurs? Les instantanés que nous prendrions loin des foules et de toutes fumées ne serviraient alors aucun guide touristique, nous laissant ainsi le plaisir de chercher dans l’ombre et de révéler peu à peu ?

Les phrases doivent-elles toujours avancer comme une armée de fourmis, produire des sens, révéler des idées ? Les phrases doivent-elles être tentaculaires abordant tous les bords, s’en prendre à tous les passants, propulser une histoire, construire un corps et vivre au travers du sang qui bouillonne dans les veines. L’écriture serait-elle passionnelle ?

Hier, je me questionnais ainsi et alors que je n’espérais pas de réponse, j’ai lu ceci.

« Lorsque j’examine de près ma petite enfance, je me rends compte que ma mémoire des mots a nettement antécédé ma mémoire de la chair. Chez la plupart des gens, je présume, le corps précède le langage. Dans mon cas, ce sont les mots qui vinrent en premier ; ensuite, tardivement, selon toute apparence avec répugnance et déjà habillée de concept, vint la chair. Elle était déjà, il va sans dire, tristement gâtée par les mots.

D’habitude, vient en premier le pilier de bois cru, puis les fourmis blanches qui s’en nourrissent. Mais en ce qui me concerne, les fourmis blanches étaient dès les commencements et le pilier de bois cru apparut sur le tard, déjà à demi rongé.

Que le lecteur ne m’en veuille pas de comparer mon métier à la fourmi blanche. En soi, tout art qui repose sur des mots utilise leur pouvoir de ronger – leur capacité corrosive – tout comme l’eau-forte dépend du pouvoir corosif de l’acide nitrique. Encore cette image n’est-elle pas tout à fait juste ; car le cuivre et l’acide nitrique qu’on emploie dans l’eau-forte sont à égalité, l’un et l’autre tirés de la nature, tandis que le rapport des mots à la réalité n’est pas celui de l’acide à la plaque. Ces mots sont le moyen de réduire la réalité en abstraction afin de la transmettre à notre raison, et leur pouvoir d’attaquer la réalité dissimule inéluctablement le danger latent que les mots soient eux aussi attaqués. »

extrait de « Le soleil et l’acier » Yukio Mishima.

pioché par le « hasard » de google Shunkin.net