Prodigue toujours ta beauté sans compter ni parler. Tu te tais. Elle dit à ta place: je suis, puis en multiples sens retombe, tombe enfin sur chacun. Rainer Maria Rilke
Ce que les mots manquent l’iris sur le point de fleurir le dévoile
le jour est un néant la nuit le remplit de rêves qu’il jette par dessus bord
les larmes lorsqu’elles ne peuvent plus s’échapper restent dans la gorge en lui faisant mal et le coeur se suspend dans la cage thoracique comme une lourde goutte noire froide et inutile
La nuit s’écoule dans mes veines avec un goût de fleurs. Voilà que le vent hisse ses voiles dans les feuilles. Les arbres de l’avenue deviennent de géantes nacelles. Elles tiennent, elles sombrent, elles remontent de leurs racines la dernière sève avant l’hiver. Vagues les parterres alourdis de feuilles mortes, vagues les trottoirs humides, vagues les bancs, seule comme un courant, la route va vers le large.
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Mon corps désormais s’arme de bras et de jambes impossibles à soulever. Lourds comme une ancre. Pourtant, mon point d’attache ne se situe pas au centre de mon corps, j’auréole avec le vent, je cherche entre les branches presque noires l’espace suffisant pour un dédale. Les cheminements impossibles des mots dans mon cerveau. C’est là parait-il que se logent l’âme, la conscience. Je sens que leur place s’étend dans ce qui tétanise ma chair, la masse méconnaissable qui gravit autour des os, qui s’agglutine autour des réseaux libres de l’idée que j’ai de moi-même.
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La nuit ronronne comme un félin solitaire qui rode obscur. Déjà, il est loin. Invisible. Je cherche ce qui correspondrait à une empreinte, le signe de ce qui furtivement n’existe que par la trace olfactive que laisse un souvenir. Je sais au fond qu’il n’est rien en moi et de ce qui naît à ma portée qui vaille que je les traduise.
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La nuit finit en queue de poisson. Je ne suis pas certain que ce qui se présente autour du soleil et entre chez moi soit bien ce qu’on appelle: « Jour ».
Il est des jours où les sols deviennent mouvants, où toutes les certitudes s’échappent. Les jours où tout me tourmente. Où la vie me file entre les doigts.
Et puis, il est des jours où je ne sens plus rien. Je fonce à travers tout avec la force d’un bulldozer et je puis supporter des charges inhumaines. Des jours où je m’abandonne où je suis un autre. Des jours où j’arrache toutes les racines de la terre pour leur montrer le ciel. Il est des jours où je me retire dans mon monde. Où je vis à couvert.
Et puis, il y a eu ce jour où j’ai perdu les pédales. Où je ne pouvais plus trouver le chemin. Le jour où je pleurais, où il pleuvait. Où j’ai balancé ma vie dans le canal. Le jour où je me suis brûlé. Où j’ai dû aller aux urgences. Où j’ai demandé à être interné. Il y a eu ce jour où toutes les portes se sont trouvées être fermées.