
La nuit s’écoule dans mes veines avec un goût de fleurs. Voilà que le vent hisse ses voiles dans les feuilles. Les arbres de l’avenue deviennent de géantes nacelles. Elles tiennent, elles sombrent, elles remontent de leurs racines la dernière sève avant l’hiver. Vagues les parterres alourdis de feuilles mortes, vagues les trottoirs humides, vagues les bancs, seule comme un courant, la route va vers le large.
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Mon corps désormais s’arme de bras et de jambes impossibles à soulever. Lourds comme une ancre. Pourtant, mon point d’attache ne se situe pas au centre de mon corps, j’auréole avec le vent, je cherche entre les branches presque noires l’espace suffisant pour un dédale. Les cheminements impossibles des mots dans mon cerveau. C’est là parait-il que se logent l’âme, la conscience. Je sens que leur place s’étend dans ce qui tétanise ma chair, la masse méconnaissable qui gravit autour des os, qui s’agglutine autour des réseaux libres de l’idée que j’ai de moi-même.
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La nuit ronronne comme un félin solitaire qui rode obscur. Déjà, il est loin. Invisible. Je cherche ce qui correspondrait à une empreinte, le signe de ce qui furtivement n’existe que par la trace olfactive que laisse un souvenir. Je sais au fond qu’il n’est rien en moi et de ce qui naît à ma portée qui vaille que je les traduise.
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La nuit finit en queue de poisson. Je ne suis pas certain que ce qui se présente autour du soleil et entre chez moi soit bien ce qu’on appelle: « Jour ».