Trois chats

Trois chats

Alignement parfait des astres

Planètes et étoiles 

L’un se lèche la patte 

L’autre dort au pied d’un rosier

En fleurs blanches 

Le troisième en sphinx imagine les prochaines énigmes 


Trois points d’équilibre 

Trois lieux infinis où les mots se ronronnent 

Les mondes sont avant tout olfactifs 

Afin que jamais on n’oublie qu’on ne possède rien ni personne 

La Petite

La Petite

C’est un petit paysage parcouru d’une zone fauve et d’une marque noire 

sa joue

le pli du sourire

les points de départ des vibrisses

l’endroit où les babines se retroussent 

les canines du carnassiers

le pétale rose de la langue rêche 

la fine flèche qui va du sommet du crâne à la dernière des vertèbres de la queue

un nuage né autour d’une tache de lait sur le menton

la brousse la savane la forêt

regardent trembler et disparaitre leurs ombres

un pelage

une griffe rétractile

le bruit caractéristique réconfortant 

un petit moteur vrombissant 


Pas

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Sur le pas de la porte, il hésite 

un feuillage ruisselle 

c’est le vent ou simplement 

une source qui s’efforce de traduire

les voix de l’écoulement

seulement ce que signifient

l’eau et la lumière quand elles s’échappent

et s’essoufflent

sur le pas de la porte, il capte

bruits et parfums 

et devine sans avoir à y réfléchir

la signification de la carte où

chemins, allées et prés s’écartent

des bordures amères 

il préfère l’onctueux nuage

sa dissipation immédiate

quand il atteint l’endroit de la colline

le monde à l’envers les portes n’ont plus de pas

quelques pieds quelques racines et lierres

quelques tentacules lentes fils de soie

et des minéraux qui se nourrissent de l’air chaud

Aux chats

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Life’s a Stretch- Lynn Smith Stanley @Sliverpoem Studio

La nuit cette étrangère refuse de passer ma porte

ouverte

elle siffle et grince de tous les insectes qui l’habitent

ivres

ils  préfèrent être

entendus plutôt que vus et

dévorés

la nuit est fraîche la pluie est encore sur la colline et la lune est de ce côté-là.

la nuit danse ou marche  ou est-ce    sa soeur la mer

qui jette vers la lumière des papillons d’écume

soudain gracile

la petite féline fait son entrée

elle trottine vers la cuisine où des parfums alléchants de nourriture

l’attendent

elle mange

et puis part 

la nuit a quelque chose à lui dire

le secret hallucinant qu’elle réserve aux chats

seulement

Mardi

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Mer

qui donc pourrait se prononcer autrement

à cet instant

un papillon me laisse découvrir qu’il n’est pas une fleur

là où le rideau rencontre la lisière de l’air je vois

un chat qui n’existe pas

demain nous serons mercredi et sans aucun doute

je pourrai tranquillement me dire

que rien n’a vraiment changé

Un jardin dans le jardin

 

 

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Aux pieds des oliviers, circulent en parfumant le vent sans qu’on le voit, des gardénias, un chèvrefeuille, un géranium rosat. Tout près se développe un rosier rampant dont les roses ressemblent à de menus poussins jaunes, mais pour l’instant le petit être fabrique des feuilles, il est trop tôt encore pour les boutons et les fleurs. Autour de lui, des sciles du Pérou, des narcisses, des agapanthes.

Cet endroit est le territoire jalousement gardé d’une fauvette à tête noire, si les individus femelles sont autorisés à picorer, tous les autres oiseaux sont chassés. Par un cri, par une poursuite s’il le faut. Parfois, le dilemme est de taille car l’intrus est régulièrement bien plus grand, plus fort, plus agile. Mais la situation est toujours observée avec soin et les résultats de l’analyse concordent presque toujours avec ce que le bons sens dicte. Il faut bien l’admettre, pour administrer ce jardin, il faut de la sagesse et beaucoup de patience. Une sens bien particulier de la propriété qui ne nie pas les devoirs que cela implique au profit d’un égoïsme acharné.

Ce jardin dans le jardin, parsemé de pensées est définitivement la propriété de l’oiseau à tête noire et ventre argenté, cet espace est à lui parce qu’il l’aime, parce que de multiples détails ont enchanté son petit coeur, sa petite cervelle d’oiseau. Cette partie du ciel, ce morceau de terre, cette poussière dans l’univers est à lui.

Il n’ignore pas l’oiseau que la même parcelle à d’autres altitudes appartient au milan royal le jour et à la chouette effraie la nuit, ont droit de passage, de multiples rongeurs, quelques petits reptiles, tous les butineurs même les plus indisciplinés. Personne ne vient à bout des décisions prises par une seule fourmi et elles construisent sur cette planète, cette poussière dans l’univers des univers, des mégalopoles grouillantes. Personne ne leur dit ce qu’il faut faire.

Ce morceau de jardin est terre d’accueil et forme l’ensemble magique qui englobe tous les univers sans distinction et selon les critères bien établis par les lois des ensembles rationnels et irrationnels. Que l’univers soit celui d’une fourmi ou d’un rapace.

Le territoire de la fauvette à tête noire est un espace qui appartient à de multiples individus à des niveaux divers qui se rencontrent, se touchent, se mélangent ou s’intercalent les uns dans les autres et chaque individu est une partie de l’ensemble.

Prenons le chat qui se roule dans la terre tiédie par le soleil, ce chat considère que le jardin dans son entièreté est le sien, c’est son territoire et la fauvette à tête noire, il se la mangerait volontiers. Tous les autres peuples de son empire lui vouent un culte, il en est certain. C’est du moins ce que je pense moi, qui ai mentalement construit le jardin et toutes les lois qui le font exister lui parmi les autres jardins, lui que je considère unique et qui est pourtant multiple en bien des points.

L’oiseau s’envole et regarde avec envie la petite graine, est-elle à la frontière? Fait-elle partie de l’ensemble? De l’ensemble des choses que j’aime manger?

Qui peut-on donc répondre à cette question avec sincérité?


Source image: ici
D’autres images et d’autres oiseaux: ici

Mustella nivalis

MSU V2P1b - Mustela nivalis subspecies painting

Le chat s’était posé non loin de moi     sous la tonnelle
afin de profiter d’un même brin     d’air frais
alors que j’allais me mettre à écrire
est apparue  calme   décidée
une belette
comme pour marquer
entre l’exubérance affolée du jardin    et la maison ouverte
un trait d’union
un trait vif    d’une certitude
aiguisée

soudain le chat
la belette alors
a dessiné
un dernier trait
enchanté
entre le jardin et le ciel
entre ce que j’allais écrire et la réalité    qui ne peut    me rappelle-t-elle     que s’échapper       comme elle
le point final         -mais serait-ce le dernier-    je le pose comme un chat endormi
aux abords d’un rêve     plus vrai que nature         les souvenirs le soulignent et l’encerclent
avec de plus en plus d’insistance
petits yeux de jais        fourrure de feu et de neige        est-il possible que
l’animal
ait jamais eu    l’intention de se défendre     au lieu de fuir         dans une faille entre deux rochers

Ténébreux

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Dans la baie de mon bras, la nuit est un chat. Pas encore noire, elle luit, bleuit, éclate, effleure, ronronne. La fourrure féline montre les formes sombres des rayures ou les déclinaisons magiques de taches presque rondes comme les astres. La nuit a des griffes rétractiles et une langue rose. Quand elle marche, elle ne fait pas le moindre bruit et parfois elle ose montrer l’endroit de son ventre où elle est blanche. La nuit apprivoise la patience en la reconnaissant du bout de la moustache tendue vers l’espace comme le pistil d’une fleur odorante.

La nuit morceau souple et soyeux de l’infini me regarde et me file un coup de patte si jamais je me penche plein de larmes vers son épaule. Son regard est celui de qui se nourrit de comètes et des miettes que laissent les étoiles derrière elles quand on croit qu’elles s’attrapent comme des souris.