Prodigue toujours ta beauté sans compter ni parler. Tu te tais. Elle dit à ta place: je suis, puis en multiples sens retombe, tombe enfin sur chacun. Rainer Maria Rilke
l’écriture pour apaiser la brûlure d’une blessure
pour assagir l’agitation sans parvenir
à vouloir l’intégrer dans un protocole
un morceau de bois calciné pour dessiner
tous les visages des paysages que je traverse
alors que les ronces les rongent
que les sentiers se dispersent
le fouet indompté d’une signature anonyme
la queue de serpent d’un signe
la calligraphie d’une langue que personne ne parle
que personne n’écoute vraiment
l’ instrument dans vos bouches
souvent me condamne à n’être qu’un géant
bouquet
on ne lui donne que des coups de flammes
on s’amuse un temps de sa démesure
toute organisation de semonces fait de moi un fantôme errant
comme aux icebergs à la dérive on néglige de reconnaître
la partie immergée immense et glacée
où je me suis lové
Quand je contemple mon existence, dans chacun de ses épisodes,
il me semble ne plus apercevoir que les structures produites par mon esprit en se servant d’un langage.
Il ne reste parfois que des squelettes dénudés de réalité. Ils se rassemblent pour former des essaims,
l’insecte est une phrase qui tremble sur son socle. Ils coagulent en dessinant des paysages où la lumière serait produite par le vide
entre les feuillages et par tout ce qui ne se dit pas dans les phrases.
Les structures imaginées se dressent comme des temples de dentelles, des forêts sacralisées ou des tombes muettes.
Elles tissent l’espace avec le fil perdu d’une histoire.
Les voiles d’une étrange et fugitive caravelle s’enflent ou s’enfoncent dans les profondeurs suaves du silence.
Un océan semble meubler la langue de fluctuations et débordements, les mots n’en seraient que l’écume ou les arêtes que laissent les vagues sur les plages ayant mis bas l’une ou l’autre marée sauvage.
Le langage est une échelle, une plante grimpante hallucinée. Où trouvera-t-elle la place pour nidifier d’une façon stable?
J’aimerais qu’on puisse boire à toutes les phrases en ne se servant que de son âme et révéler
au passant comment et pourquoi des ombres froides collent aux mots quand ils sont bercés par les traces et les images du passé.
Je voudrais qu’on puisse éprouver cette fraîcheur incomparable qui désigne à tout ce qui vit que quelque part on meurt aussi.
J’aimerais qu’on puisse voir leurs écarts se frayer une route parmi les dogmes inculqués par la peur. Il me faudrait toujours garder comme un bouquet de fleurs, juste en dessous du cœur, le doute et ses faibles clameurs.
Les mots ne vivent pas pour qu’on les broute, ne marchent pas en cohortes domestiquées, qu’en impitoyable jardinier au profit d’une seule et unique vérité, on charcute .