Héliophile

Bubble © Brian Bonham

Quelques billes de verre se heurtent les unes aux autres

celles que j’appelais oeil de chat

quelqu’un les égoutte entre les doigts

sur les troncs roucoule une source fantôme transformée en ombre

veloutée

un vulcain un machaon un flambé et quantité affolante de piérides de cuivrés d’azurés

La carte géographique

et puis celui qui est comme le plus petits des colibris

répondent chacun à l’appel ciblé d’un parfum

que dire d’elle

la seule qui à la nuit tombée choisit de se poser

ailes ouvertes sur l’incompréhensible transparence

d’une fenêtre fermée autour d’un soleil doux

apeuré 

nymphe nacrée teint de lune argentée elle 

choisit presque toujours la nuit pour apparaitre

Clef

voir et aimer de loin
choisi chemin de l’esprit
vers le doute 

croiser le temps parce qu’il s’espace
trouver une strophe et puis une autre et encore une autre
de loin rencontrer
l’hypothétique mot qui ne serait pas encore mort
chanter  car rien ne s’inscrit que dans l’imaginaire

épurer et vanter

la fleur

Légère et obscure
captive et personnifiante

avec une audace pudique et limitée
entrelacer les mots
être sur son cheval rêver le rien
en posséder la clef
et passer


aller outre la joie par delà le monde froid
déployer son coeur comme s’il avait des voiles

mêlant exaltation et inquiétude
 

Jour

©cc

Hier le soleil sur les épaules

le silence comme un chat

passe sur le sentier du jardin

le figuier pleure quelques feuilles

qui croustilleront sous les pas

dans l’olivier de petites ombres chinoises

échangent quelques brindilles lumineuses

derrière le muret ne retenant plus son souffle

un animal piétine et retourne la terre

devient de plus en plus énorme

disparaît en froissant la végétation

après lui persiste une odeur de souffre de cendres et de forêt 

hallucinée

bientôt dans le jardin

il ne restera

au-delà de ce coeur qui bat et de ces poumons

qui soutiennent l’absence de mouvements 

quelques secondes

que le bruit discret anonyme d’une larme qui tombe

L’érable lisse du Japon

Dans la cour intérieure se défait de ses feuilles les plus rougeoyantes

Il pleure ou je pleure 

Difficile à dire 

Quelle est celle qui tremble sur ce lit si blanc 

Ma sœur 

Et son cœur qui se noie dans son propre galop affolé 

Le souffle court et le soupir si long

La main qui demande la parole mais ne peut plus la prendre 

L’esprit qui espère un répit 

Mais rien n’est accordé 

Aucun instrument ne chante 

juste

ma soeur

à la frange de l’enfer

les poumons en fleur se fanent

le corps devenu poreux tente le geste

toujours le même pour se défaire du respirateur

ou saluer à la manière des colombes

l’esprit bout d’une nième tempête 

Rimbaud rêveur va loin, bien loin.

Drame

Aux carrefours des grilles
rouillées
encerclé d’ondes de chocs
le caillou volcanique sombre
répercute sa chute
dévoile son envolée
la réalité ou simplement le constat de ses existences passées

il m’arrive toutes les nuits d’avoir peur d’un espace si petit qu’il ne se mesure même pas 
en nanosecondes
d’avoir froid de le laisser galoper seul le rocher
l’accident que le hasard s’efforce de reproduire

la brèche dans laquelle s’enfonce  le rêve en modulant le souvenir 

l’empêche d’être oublié recouvert de neige


pourquoi 

alors que je n’ai pas le pouvoir de modifier la trame

Du sable

Anti-Atlas Mountains of Morocco. Limestones, sandstones, gypsum. Science photography art. Nasa.

Comme le cassia je me déploie parfois

comme si j’avais des ailes des plumes

et dans mes veines le fourmillement désespéré
du soleil du vent de l’ombre des bruissements

qui peut se douter de ce que sont mes racines
et où se trouve le coeur qui peut chercher
les sources froides et leurs lueurs bouillonnantes 

comme cassée sciemment je ne dépends parfois

que d’une seule branche un tronc que personne ne digère
des feuilles qui respectent tellement la lumière
qu’elles n’écrivent que leurs propres replis provisoires 

une suspicion laide qui n’est pas une épine et ne vaut guère plus

que le vide voilà ce que l’on porte comme s’il s’agissait 

de la cime

À peine si je pense qu’il faudrait que je me penche 

Lorsque soudain une vanité apeurée et gribouillante

veut grignoter ce qu’elle prend pour de la liberté. 

Oiseau de nuit

image via © Nick Brandt 2013 Courtesy of Hasted Kraeutler Gallery, NY

Toujours j’espère te reconnaitre

quand je m’approche de ta nuit

mais toi tu préfères pour l’instant que je pense

que tu n’existes pas et que tu ne niches pas

là 

où les sommets te plongent dans le silence et les ombres

Si j’entends le bruit d’une aile

ce ne sera pas la tienne mais celle de la sittelle qui niche tout en haut de l’échelle

si je vois quelques bûches trembler je sais que derrière elles se cache le tout petit animal qui semble aussi faire partie de ton menu quand tu te réveilles et voles et survoles

Toujours j’attends la peur au ventre

l’instant où je te surprendrai dans ton sommeil 

et que tes deux soleils s’ouvriront pour sonder s’il est temps

que je dorme un peu plus longtemps