Le chat noir

Ce qu’il regarde, c’est presque toujours le vent. Un souffle qui agite le feuillage graduellement. Tous ces détails qui pour la grande majorité des humains ne sont rien, ne signifient rien, tout cela est à ses yeux de première importance. 

Il observe les ombres, les zones de petite clarté, les mouvements infimes qui s’opèrent entre chaque ingrédient. Il sent, il sait que se tiennent là les furtifs remparts de son univers. C’est là qu’il rencontre les premières sentinelles du territoire extensible et souple qui est le sien. Un monde qui n’est pas censé nous échapper aussi facilement. Le langage des éléments avec tous ses reliefs sonores, olfactifs, temporels infimes.  

L’harmonie partiellement atteinte tremble et tangue comme l’ombre d’une pieuvre nuageuse, un fantôme rétablit l’équilibre insaisissable. Il voit entre les herbes et les pierres, la silhouette frêle d’un lézard, il aperçoit la mécanique hyptnotisante derrière la danse de la mante. Il entend une voix qui se hasarde au fond de lui, une musique rassurante, épanouie comme une fleur au soleil et décide qu’il est temps de fermer les yeux.

Sous les paupières, le monde liquide du rêve se mélange à la réalité qui se cristallise impassiblement. Peu à peu le sommeil soulève en rythme de petites vagues sur la mer noire du pelage. Il dort. Il réécrit de petites galaxies en petites galaxies l’infinité juste avant qu’elle ne se fossilise à jamais dans l’ambre.    

Si peu

Si peu se dépose sur la mer mais
lorsqu’elle vient toucher l’horizon
il ne reste des collines plus rien qu’un doute
étouffant de leurs véritables existences

Pour les invoquer un peintre se demande si

le bleu suffit   si
il faut tremper le pinceau dans les larmes

Non pas celles qui tombent en pluies et demeurent
si
peu chaleureuses
mais celles qu’on voit trembler dans les pupilles et qui
portent exclamations silencieuses

Lymphe

Cai Guo-Qiang- Same Word, Same Seed, Same Root
2006
Collection of Min Tai Yuan Museum, Quanzhou, Fujian

Est-ce une source

dans le buisson

qui bruisse


ou une à une

les feuilles

qui partent

de l’été


n’est-ce 

que le plaisir

de la question 

que mon esprit

dévoile


naissent des réponses

partitions improvisées

naissent des silences

saccadés 

sous les feuillages

un sanglot qu’il ne faut pas

révéler 

Source image: ici

Encadrement

tumblr_oku33pdcxt1v6jft8o3_540

J’avais tant chercher le point
à partir du quel je pourrais établir
mes racines
ce qui ressemble vaguement
aux souffles vivants des souvenirs
haleine de mon âme
que mon attention se laissa contenir
dans un cadre
un cadre comme ceux qu’on fabrique aux miroirs
qui avec le temps
arrondissent les angles
au centre la fente d’une pupille de félin
mon regard n’avait rien de féroce
nourri de soleil il avait soif
soif de cils
un trait à la fois pour l’ombre et la poussière
un trait au départ d’une lettre à la fin d’une larme
à force de plonger au sein de ce qui fait le regard
j’atteindrai peut-être la plage irisée
laiteuse comme la peau
du visage
de la lune
la nuit sera le multiple de ce point sombre
qui n’existe pas
énergie noire de mon regard
comment n’a-t-il point perdu espoir?!


Image ©Bertrand Els

Petit chat

Dodo SuperStar!
Dodo SuperStar!

Petit chat
Au pas de panthère
Aux pattes encore chaudes de sommeil
Le soleil te dessine un profil de dieu égyptien
Petit félin
Entre tes griffes la plume de l’oiseau
Entre songeur
Ta fourrure a besoin de douceur
Chat noir
Ton cœur est blanc
Ton regard dore
Chaton tu n’es plus qu’un bourgeon quand tu dors et que sous mon front tout ton corps vibre
Comme si dans ton ventre  vrombissait un volcan.