
J’aimerais ajouter aux flots de paroles
à la masse d’assertions
qu’être seule
ne me fait pas peur
j’aimerais suspendre à côté de chaque mot la perle d’ambre qui fossilise la solitude
qui le soutient
————————-cet instant où rien n’est plus à portée de la main où l’on croise et recroise les mêmes fantômes
j’aimerais inscrire chaque onde émise par mon cœur qui prétend qu’il ne bat que pour vivre masquant dans ses musiques et ses rythmes le noyau dur
la solitude
ingrate sœur du vide
source qui glousse limpide détachée de tout et parfois horriblement mélancolique
j’aimerais dire en toute franchise
je ne redoute pas de m’avancer jusqu’à l’extrême bord d’un rêve que personne ne fait d’être sur la pointe la plus éloignée de l’idée que personne ne partage
et affirmer
je ne crains pas le silence
l’absence la négation la prison qui se construit peu à peu à mesure que les secondes se superposent aux années comme le font les siècles et les siècles
j’aimerais ne plus savoir
que les promesses non tenues tuent déracinent une âme
que la parole donnée est aussitôt retirée sans qu’on s’en aperçoive
qu’elle laisse souvent saigner derrière elle une amère rancune
—ils sont nombreux ceux qui n’arrêtent jamais de dénoncer et de proclamer qu’ils ont tous les droits pour critiquer l’autre qui ne veut pas ni lumière sur lui ni nuit ni bruit—
la solitude porte ce sourire de lune lumineuse ronde et rousse
qui contrôle les marées et exerce le pouvoir de ressusciter tous les horizons abandonnés et
les frontières oubliées
j’aimerais ajouter aux phrases
aux gestes qui grandissent démesurément l’insignifiance
les mouvements amples silencieux émouvants de l’étoffe qui habille une âme qui en appelle au silence et cherche
cherche et cherche désespérément sans qu’on veuille l’en dépouiller
la solitude pour se ressourcer
Source image: Junko Mori
Que d’inspiration !