Comme pour se laver l’âme, la mer.
Je la regarde me défaire et me refaire vague après vague. Aucune larme n’échappe à la lame bleue.
L’écume recouvre chaque galet, chaque aspérité jusqu’à les polir, me divertir, me faire disparaître, m’oublier. Les morsures acides des embruns finiront de dissoudre tous mes masques.
Dans la crème onctueuse des nuages noyés par les flots, la mer berce dans les bras des rochers les turquoises.
Rien ne me semble désormais plus clair que les mouvements des planètes et de l’univers qu’en écho nous transmettent les coquillages vides abandonnés sur les plages quand on les porte à l’oreille pour écouter leurs secrètes musiques.
La musique des sphères dans le bercement maritime… Belle idée.
« Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie ». Une phrase dont le prétentieux ridicule éleva Pascal au statut de tête de turc de Valéry. Après le prétentieux ridicule pascalien, les précieuses ridicules.
Quand un poète « devient » astrophysicien, cela donne « Rien ne me semble désormais plus clair que les mouvements des planètes et de l’univers ». La musique des sphères dans un coquillage. Pourquoi pas? Le nombre d’or, la proportion dite « parfaite » se retrouve un peu partout dans la nature. Mais comme j’envie le poète pour lequel les mouvements des planètes et de l’univers (en plus!) deviennent plus clairs que tout le reste!
Ah le sens du cosmos tout de même! C’est inné!
Moi humble grain de sable perdu sur cette plage où la poétesse eut tant de visions, je ne vois rien que des ténèbres dans lesquelles Copernic, Newton, Einstein, pour ne citer qu’eux, ont essayé de mettre un peu d’ordre et je me cramponne à leurs théories comme un insecte à une paroi pour ne pas tomber dans le vide, mais LE POETE a entendu la musique secrète, l’harmonie suprême que traque encore la pensée des savants, à l’aide de leurs télescopes et autres instruments.
C’est admirable la portée de la poésie quand-même! Quand on est né poète, il suffit de porter un coquillage à son oreille pour tout comprendre. Le poète n’a pas besoin de Hubble, et des radio- télescopes de l’ESA, et tout ça, non, non ! Il n’a même pas besoin de mathématiques ! Il prend un coquillage, le colle à son oreille et un doux bercement l’amène au fil des ondes jusqu’à la déflagration originelle du Big-Bang qui se distille pour lui comme dans du coton.
Et puis il se dit : « Oui c’est normal que je comprends si bien l’Univers puisque c’est moi qui l’ait créé ».
Le poète a évidemment pris connaissance des 5 théories des cordes et de la tentative d’union de celles-ci que propose la théorie M enfin grâce aux sites de l’ESA et de la NASA , les informations envoyées par les télescopes et les sondes, analysés par les meilleures équipes de chercheurs lui parviennent quotidiennement. Comment écrire de la poésie sans être intéressé par tous ces domaines de recherche et tous les autres ?
Il faut manquer totalement d’esprit d’analyse et d’imagination pour croire que la poésie remplace la science, les maths et toutes les autres formes de réflexion, qu’aucun apprentissage n’est utile, qu’il suffit d’être « inspiré » et qu’un poète puisse formuler le désir de se substituer à ce qu’il dénonce et combat : l’ignorance, la bêtise, l’aveuglement.
Il n’y a qu’un Daniel Pisters pour être persuadé qu’il est DIEU. Vous connaissez la porte, je suppose…
Notre ami commun, docteur en astrophysique, confirme. La puissance de la poésie est de dépasser les données physiques.
Et Sheldon (BBT) aussi! 🙂
Corne de brume
—
A l’écoute indécise,
Tu entends les vagues,
En tendant l’oreille
A la conque de soleil
Et la vie s’enroule,
Se love sur elle-même,
Aux ressacs, sur les rochers,
Elle donne son écume…
Ainsi mes doigts joints
Autour de ton attente
Qui forment la coquille
Portée dans ta main.
Tu es sur le sable
Etendu sous la lune
Les algues enroulées sur tes pieds
Intensément, tu m’écoutes
En corne de brume
RC – 1er nov 2012