
Sur les sables qui mélangent leurs couleurs à la nuit, navigue une fleur comme un navire fantôme. Elle ne s’est trouvée aucun pays et aucune sœur ne porte son nom. Elle est comme l’oubli. Ses pétales lui servent de voiles, d’épée, de bouclier et puis d’aiguille à broder. Elle va sans gouvernail, elle se pose sans jeter l’ancre, sans apporter la récompense d’une réponse à tes questions.
Elle dépose parfois un ruban bleu foncé sur l’infini pour que tu puisses en distinguer l’aube et t’en forger une fébrile sensation, une image sourde. Limpide, elle ne cogite aucun mystère, n’abrite aucune peine, ne libère aucun mensonge.
Les parfums que la fleur abrite réveillent les voies ancestrales du souvenir et ouvrent celles du savoir, ils suscitent les plus abrupts désirs. La convoitise. On serait si fier de la montrer comme une étoile, comme un trophée.
Amas de poussières, nœud de lueurs, chant authentique et presque inaudible, noyée dans les confins de l’être humain, la fleur revient d’une terrible odyssée. La fleur, ses voyages et sa folie cristallisent à la crête des vagues d’incessants vertiges, des peurs tranchantes, des petits bouts de vies à vif. La nuit et ses mouvements obscures la réduiront en poudre, notre sommeil nous semblera comme toujours être sans détours, sans rêves. Pourtant un jour, la fleur, le navire toutes voiles dressées vers la nuée sortira d’un mirage.
Si tu oses regarder son sein, si tu écoutes ce chœur charlatan, tu sentiras en toi un présent qui explose alors que ton sang se glace.
Hé hé, on se muscle et s’enhardit… C’est réussi.