
Au fur et à mesure que l’obscurité se retire, mon visage se creuse d’ombres à l’endroit des yeux, des joues, de la bouche. Je n’ai plus de regard, plus de parole et lorsqu’enfin sort de mon sein ce qu’on pourrait prendre pour un chant, on comprend qu’il ne me reste presque plus rien au dehors de ce corps et de son faible écho.
Je sers de socle à un langage rigide et désarticulé. Mes bras que je prenais pour les ailes agiles de mon imagination sont les moignons maladroits et pourris d’une existence qui n’a pas pu prendre de la force. En pleine dégénérescence, mes mains au lieu de porter des fruits fabuleux, tremblent en exposant les rides et les ravins de mes solitudes. Toute ma stature osseuse est une construction fragile en train de perdre l’équilibre. Elle s’élancerait vers le vide si elle n’était retenue par le point nu et frémissant d’une pupille.
Au fur et à mesure que la lumière progresse, que le jour s’avance la queue entre les jambes, je laisse dans les miroirs l’empreinte presque effacée d’un spectre. Ai-je jamais vraiment été quelqu’un qu’on a aimé ? Autour des souvenirs, rampe un serpent silencieux de gestes et de pensées, une habitude vive de respirer sans plus rien à avoir à espérer.
Profonde et difficile condition d’un être plein de richesses poétiques.
Admirablement dit.
(PS ne serait-ce pas « si elle n’était retenue » et « ai-je vraiment »)
(Cela n’enlève rien à la beauté de cet écrit.)
Si bien sûr Marcel, vous avez raison. Merci de me l’avoir signalé. 😉