
Par de là la clôture, le petit chat noir observe souvent le maquis. Assis ou couché en forme de miche de pain. Mais ce soir, quelque chose d’extraordinaire le fascine. C’est qu’à la tombée de la nuit, avec la fraîcheur se réveille une faune fantastique.
Entre deux bosquets de cistes, une fabuleuse divinité féline s’est approchée en utilisant le socle d’un rocher pour figer son dernier mouvement. Le chat dont le pelage soyeux rappelle par sa couleur à la fois le marbre et l’ivoire fixe d’un regard bleuté le petit chat noir.
La confrontation silencieuse dure de longues minutes. La statue est de taille, souple et puissante, musclée. La miche de pain noire décide soudain de sortir du silence en poussant un redoutable rugissement accompagné de miaulements rauques et graves qui laissent à l’ennemi le temps d’apercevoir la mâchoire bien garnie et le rose flamboyant de la langue. Le chat noir possède un autre avantage, il est en hauteur. D’un seul bond, il est capable de déboulonner la statue si elle persiste à le menacer du regard.
Finalement, la statue prend brutalement la fuite suivie par la miche de pain au poil hérissé. La partie se termine par des ruades et de nombreux chants gutturaux quelque part parmi les cailloux et les feuillages odorants du maquis.
L’issue de la bataille ne fait plus de doute lorsque de nombreuses heures après ces éclats, se frotte à mes jambes un chat effroyablement doux, noir et paisible comme la nuit. Il a vite fait de guider mes caresses et mes regards vers cet endroit du mur d’où il guette habituellement seul la vie.