
Le torrent est à la forêt ce que les oiseaux sont au ciel et ce torrent comme une larme s’écoule au fond du ravin. Il longe la route et je me doute bien que lui et moi n’avons pas la même précipitation à avaler de l’espace. Car j’aimerais pouvoir être arrêtée par des colliers de rochers tombés de la montagne. J’aimerais jouir en toute saison de cette humeur joyeuse et volcanique. Poursuivre le rêve fluet comme s’il était l’une de ces tentacules qui voyagent dans la chevelure du soleil, le fil d’une histoire qui retrouve la justification de son existence.
La route serpente tel le geste d’un peintre au travers de son tableau mais c’est le torrent qui impose son empreinte vigoureuse aux paysages. Je me demande si ma solitude permanente n’imprime pas de la même manière sauvage des détours à ma vie. Mes pleurs trouveraient alors au bout de mes labyrinthes une raison en même temps qu’une source. La source à laquelle j’abandonne mes échecs, mes regrets. Ne pourrais-je donc poursuivre un voyage sans être conditionnée par sa fin ? Qu’importe puisque toute liberté est tellement provisoire que je passe à côté d’elle sans même la reconnaître.
Belle et rafraîchissante irrigation poétique.