Suprême

Kazimir Malevich - 'Suprematist Composition- White on White', oil on canvas, 1918, Museum of Modern ArtKasimir Malevitch composition-carré blanc sur fond blanc, huile sur toile, 1918

A-t-on jamais tracé la limite du monde, le point extrême de la beauté ? Existe-t-il l’endroit originel de convergences où tout ne serait plus qu’un ? Est-il raisonnable de se vouloir élucider toutes les questions en ne répondant qu’à une seule ?
Face aux envergures déployées du langage, je me sens démuni. Je ne sais plus quelle route emprunter pour être compris. Ou aimer. Elle doit bien exister cette phrase qui te dira le pourquoi de ton existence. Elle doit pouvoir se formuler par un geste, se justifier par une pensée qui ne changerait pas ton être en miettes.
Elle doit bien exister cette phrase, ce mot qui compléterait tous les espaces rognés par le vide. Une phrase gourmande, juteuse, lumineuse qui en finirait une fois pour toutes avec ces découpeurs du monde et de la vérité. Une phrase irrationnelle qui ferait taire tous les septiques, les amateurs du dépeçage public. Une phrase qui éblouirait tous ces vautours qui sentent la mort partout, même là où on ne la trouve pas.
Je me sens démuni face aux leçons trop sèches de tous ces cons d’universitaires qui se chargent de faire du savoir une compétition où briller consiste à défaire l’autre des certitudes même si elles sont fragiles et ne servent à personne.

Pour défaire ce que tu as si doucement poli et aimé, il s’en trouvent des tas. Ils n’inventent que des idées contraires, des phrases tordues, biscornues ou grasses. Il en existe des tas pour se moquer de tout, pour contourner toujours le même nombril pour sucer le monde jusqu’à ce qu’il soit sans vie, sans suc, sans joie.

Je me sens démuni face à l’intelligence vorace qui découd tout pour adorer son propre néant.
Pourtant, quand mes tourments hantent mes nuits, il pleut des mots dans mon ventre. Il se tisse des rubans, il se noue des alliances dans les silences blancs des rêves. Parfois, je les ligote et les aligne. Ils sont faits prisonniers à vie. Souvent, pas un seul ne parle juste. Aucun ne chante. Ils se contentent de répondre à une nécessité furtive, à un besoin vital de lutter conter l’oubli. Ils évoquent rarement cette liberté perdue de l’idée nue.
Parfois, je me sens démuni face au silence et ses rapaces, face à la nuit, face à tout ce qui ne se dompte pas. Alors, je laisse la page blanche, je ne marche plus au-delà.

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