Trot

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Vyacheslav Novkov

°

Les mots te traversent comme les ruisseaux les forêts

Ils forment des colonies désordonnées de chuchotements

Ils miroitent comme si ils allaient disparaître tous les points du silence

Feuilles aiguilles bourgeons fleurs et fruits

racines et cimes s’abreuvent aux sources secrètes d’une seule lettre

poursuivent les serpents lumineux  décrivent de fulgurantes constellations de sons

Pour former un sens les mots en prennent plusieurs

pour construire une phrase ils se laissent couler par hasard

érodant les roches d’un chemin

polissant le temps

oubliant l’espace un instant

Pour forger un mot tes sens doivent accepter le trot régulier et monocorde d’une signification

une seule que tu serais obligé de choisir

pour être compris

Il n’est rien qui puisse définir le froissement des étoffes limpides

qui envahissent tes vaisseaux à chaque fois que tu poses un pas.

Arborescence

Giorgos Gyparakis, Yin-Yan, (2011)

L’arbre de la lumière déploie ses branches comme des ailes, il nous touche de son regard le plus tendre. Il s’étend très lentement le long de nos côtes, se baigne dans nos baies, s’approvisionne de verts et d’oranges dans nos pinèdes et nos plaines.

Ses bourgeonnements de bleus et d’émeraudes allument des tempêtes de cris et d’épines. Ses racines font trembler l’air, grésiller la terre et les sentiers. Le temps se peuple de grincements, de murmures et de fougueuses feuilles. Les collines suent, les ravins froncent leurs fronts, les ombres fortes se collent aux êtres et aux choses avec une certitude à rompre tous les doutes. Le tronc de l’arbre, solide comme le poitrail d’un cheval, lance les fontaines des villages au galop.

Quand l’arbre de la lumière secoue ses plumes, il pleut des couleurs. Larmes lourdes et brûlantes, larmes blanches et muettes. On dirait que le monde est devenu futile comme la poudre que contiennent les cœurs des fleurs. On dirait qu’un cercle de feu lui danse au dessus de la tête. Le jour n’est guère plus grand qu’une graine et la nuit n’existe plus. L’arbre de lumière ayant découvert sa cime est bien résolu à ne plus jamais disparaître.