
1964 150 cm x 135 cm Catalogue Raisonné: 52
Huile sur toile
C’est encore l’hiver pourtant
quand elle ouvre la fenêtre
c’est le printemps qui entre
grains de mimosa dans la chevelure
une parure de pétales de giroflée posée sur les épaules
il illumine de son regard chacun des livres anciens
de la bibliothèque
il en réveille quelques uns d’autres roussissent jusqu’à se faner
et périr d’illisibilité
il s’assied dans le fauteuil du père défunt
chaque feuillet posé sur le bureau espère encore la signature du maître
mais
la porte claque lorsqu’elle referme avec brutalité la fenêtre
elle attend de voir comment le printemps prisonnier
va s’y prendre pour s’échapper
fuir
elle en rêve depuis tellement d’années
aller librement sans la moindre arrière pensée
aller là où le regard lourd du vieux ne va pas poser de nouveaux problèmes
être hors de porté du geste grossier qui la condamne à chaque fois
le plancher grince dans le couloir quelqu’un crie
de hisser la voile
la demeure familiale devient enfin une caravelle
ne manque plus que la houle
folle et l’ivresse
un fantôme tient déjà le gouvernail
est à la barre
usurpe le pouvoir
le printemps
son printemps à elle les voilà dans la cale
Elle ouvre la fenêtre
c’est l’hiver pourtant elle décide de jeter l’ancre
là dans le jardin près de l’acacia en train de fabriquer des milliers de soleils
pour d’autres univers.