Sente

Vincent van Gogh: Pine Trees in the Garden of the Asylum Saint-Rémy: 5-22 October 1889 (Amsterdam, Van Gogh Museum)
Vincent van Gogh: Pine Trees in the Garden of the Asylum Saint-Rémy: 5-22 October 1889 (Amsterdam, Van Gogh Museum)

Le sentier est escarpé. C’est une carcasse de pierres, de rochers désobéissants.
Les ronces le poursuivent sans pouvoir l’arrêter.
Se répandent autour de lui d’ immortelles fragrances de fleurs, de fruits, de feuilles sèches.
Ces senteurs ressemblent à celles du soleil lui-même.
Le sentier n’aime rien
que la poussière et le vent. Il va souvent saoul
vers la mer sans poser de question
il évite soigneusement de répondre à celles que j’ai envie de poser.
Le sentier mène une vie de monstre silencieux, il serpente.
Parfois, je le sens frémir à cet endroit où il commence.
À l’endroit où il emboîte le pas à la forêt femelle aux essences de pins, d’acacias et d’eucalyptus.
Le sentier s’égare, s’insinue parfois jusqu’à mes cheminements et rêve
La nuit, le sentier en sinuant rejoint seul le ciel et
plante sa propre étoile au dessus de sa crête.

Je l’ai suivi jusqu’à ce que je tombe
un instant j’ai apprécié cet écroulement de moi-même
froissée comme une feuille
j’ai regardé le ciel avancer comme si le monde ou ce qu’il en restait tournait autour du point de ma chute
j’avais mal
l’onde de choc parcourait encore tout mon corps
sans en sortir elle s’amplifiait
il fallait que je me relève et que je reprenne la marche
debout tremblante la douleur brûlait
dans mes paumes
j’ai marché longtemps en ignorant mon corps
en faisant comme s’il n’existait plus
comme s’il était la seule entrave
à la vie
voilà comment je suis devenue un fantôme
parmi les ombres et les parfums d’écorces

Toujours je suis le sentier
qui prendra soin des plantes sauvages
que rien ne protège de l’écrasement
j’appréhende la perte définitive
des mondes invisibles
qui se trouvent au-delà de mes perceptions

je redoute infiniment l’ignorance
j’avance suivant la trace affaiblie entre les végétations
hier cela m’a menée jusqu’à
un endroit où les racines des oliviers
avaient retourné la terre
le sol ne retenait plus aucune empreinte
si ce n’est celles d’un troupeau
de nuages
les vieux arbres arboraient des branches
qui ne portaient ni feuilles, ni fruits
seuls restaient presque suspendus au vide
les nids méticuleusement brodés entre les branches les plus fines, les plus hautes
difficile de prétendre qu’ils n’étaient plus habités

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2 réflexions sur “Sente

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