
Dans le ciel les nuages nouent de tumultueuses alliances
Dans le ciel un bouillonnement originel
le tourbillon dont par ta naissance tu es sorti est
un puits où tu ne trouveras aucune réponse aux questions que pose la vie à ta conscience
l’œil du cyclone
chœur du chaos
te sonde comme s’il était ton âme éclairée
il mesure l’ampleur de tes actes l’exactitude de tes pensées invente une logique
il est une colère
un élément naturel incontrôlable
une ruade du temps
Dans les moiteurs nuageuses s’offre à tes fantasmes
le sexe fougueux d’une tempête
une entrave
un interdit
les portes de l’enfer ou celles du paradis
Tu défies tes propres démons et transperce d’un nom ton dragon
mais
cela suffira-t-il à donner à l’existence une consistance
« chœur du chaos
te sonde comme s’il était ton âme éclairée »
C’est le propre d’un vortex que d’être à la fois chaotique et organisateur. Cet oeil du cyclone impose la tyrannie de sa logique paradoxale dans de ténébreuses illuminations comme l’arc-en-ciel traversant le maelstrom de Poe ou la lune se reflétant sur la noirceur de jais de ses parois d’entonnoir. Coïncidence des contraires.
De « tumultueuses alliances » se nouent déjà dans la dissociation nuageuse qui s’organise en tourbillon. C’est fort bien vu et et bien dit Lievenn.
C’est un peu la voix du Père qui tonne dans l’utérus au travail muet. Alors de ce Verbe et de ce Mutisme naît le Mugissement de la tempête.
« Bouillonnement originel, matrice ». Je n’ai rien lu de Walter Benjamin hormis cette phrase étonnante: « l’origine est un tourbillon dans le fleuve du devenir » qui le ferait remonter à sa source, non sans être en même temps le moteur de sa ruée (souvent alanguie, les fleuves étant paresseux autant que les ruisseaux sont vifs et capricieux) en aval.
Le tourbillon n’est pas l’origine sinon en la projetant dans l’avenir; il ne se forme pas à l’origine, mais dans la rencontre conflictuelle du courant du temps avec sa destination toujours fuyante qui voudrait se fixer dans l’origine.
Le tourbillon est formé par la rencontre de deux courants contraires. Et il contient alors une forme de vide provoqué par deux pleins en mouvement. Le tourbillon peut-être formé par un vide aspirant (comme quand on retire la bonde) et il contient alors un vide et un plein en mouvement, bien que le vide n’existant pas à proprement parler, il ne peut être en mouvement.
Et même le dragon s’en mêle dans votre poème… transpercé par le nom qui jaillit de la lance comme comme d’un éclair dans le tonnerre du cyclone et qui le nomme l’innommable.
Bonne et agréable lecture cc. Cela devrait paraître dans Traversées.