Le charbon de mes sabots frôle un sol dont la matière s’est depuis longtemps résorbée. Mes jambes noires et fines parcourent un espace désagrégé. Les crins noirs de mon encolure, le trait de mon dos et ceux de mon front, de mes naseaux, de mon ventre résistent aux allées-venues de la lumière, aux éternités profondes de l’obscurité et de l’oubli.
Ma robe brune comme un nuage nage dans un ciel qui n’existe plus. Il ne reste plus de l’homme et de sa vie qu’un tout petit pan de son âme dont je suis la faible illustration. Je suis la marque de son geste et de son habileté, de sa science et de sa croyance en un monde où l’homme chasseur serait chassé. Il ne reste plus que l’idée comme une frêle volonté de signifier.
Cessez donc de vous questionner en ne cherchant qu’une seule réponse pour couronnement mais comprenez qu’elle ne figure comme moi qu’une étape qui préserve les autres mystères. Le trophée est le voyage, le galop de l’exploration qui finira peut-être par s’inscrire quelque part sur une paroi cachée des regards.
Supercheval.