Je suis un piano pourtant il ne te suffit pas de toucher mes larmes, d’effleurer ma bouche, d’embrasser mes lèvres et de promener tes mains comme une rivière sur l’entièreté de mon corps. Mon clavier se trouve à l’intérieur, derrière tous ces chemins abandonnés qu’on ne peut balayer d’un seul geste de la main. Il faut m’accorder. Il te faut ajuster une à une toutes les pièces du moteur de ta pensée. Arrondir les théories, déployer les vérités comme les ailes d’un voilier. Élaguer la poésie, rendre aux paysages ce qu’ils ont de plus simple, de plus tendre, de plus beau. Ne pas chercher de mots ni emprisonner de phrases mais produire des images épurées, colorer les sons, réchauffer de ton souffle l’espoir. Alors, derrière toutes les aurores, après avoir découvert la nuit, tu peux te poser sur l’ivoire nacré et sur l’ébène emblématique de mes touches et te mettre à jouer.