improbable

Source: tumblr.com via machinn on Pinterest

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Certaines choses restent en suspension dans le vide de ma vie sans que jamais je ne choisisse de leur attribuer un nom. Elles se résument à presque rien face à l’abîme creusé par toutes les significations que le monde accorde aux temps morts de l’existence.
Ces mystères inavouables, ces silences inouïs n’ont pas le statut du rêve, pas même celui du geste manqué, de l’intention, de la maladresse. Je ne sais pas comment ils naissent et où ils pourraient trouver un véritable nid d’où s’envoler.
Si je choisis de partir à la recherche de leurs noms, il faut que je sois patient. Comment apprivoiser un incendie sans l’éteindre ? Comment façonner un corps au vent, à l’oubli, aux déflagrations imprécises de la vie?
Certaines de ces choses pourraient occuper toute une phrase, tout un poème, toute une vie ou la détruire. Il faudrait que je puisse avoir le courage de poursuivre, l’audace de les porter en mon âme comme des braises trop peu dociles.
Certains choses sans mots sont fragiles et n’ont pas de peau, pas même la plus fine membrane pour recouvrir la chair à vif. D’autres sont dures et froides, comme endormies dans la rigueur infinie d’un marbre laiteux.
Pourrais-je jamais savoir si le mot que j’ai envie de leur donner correspond vraiment à leur état, dépeint réellement ce qu’elles sont sans mensonge ? Valent-elle toute la peine, si je ne suis même pas capable de pousser le moindre cri pour les soutenir, d’appuyer le moindre geste ?
Il se pourrait qu’ayant reçu leurs noms, leurs phrases, leurs poèmes, leurs vies, elles finissent par me filer entre les doigts sans m’accorder le moindre réconfort. Elles m’abandonneraient sans relâche à cet insoutenable face à face de mon existence avec le néant. Sans jamais s’épanouir et venir à maturité, mes absurdes intentions de délimiter un territoire à mes connaissances ne me tracent que des chemins de poudre. Ils s’effacent à mes premières défaites.
Il y a de ces choses qui n’existent pas parce qu’elles ne portent pas encore de nom, de phrases, de poèmes, de vie. Pourtant, elles occupent toute la place dans ma tête, elles parasitent mes pensées, se laissent couler dans mes veines et partent dans tous les sens sans que je puisse retenir leurs débordements. Certaines d’entre elles semblent ne jamais pouvoir tenir la place d’une parole, elles se contentent d’être cruellement un symptôme. Elles s’imposent insidieuses et muettes, s’enfoncent dans mes profondeurs vaseuses. Elles m’étranglent et m’angoissent. Elles me rongent, me rendent friable. Elles vivent, elles rient, elles se moquent, elles provoquent. Elles grincent. Il est peut-être parfois plus judicieux de les laisser tranquilles, telles quelles: sans grammaire, sans virgule et sans guillemets. Comment les dire ? Il faudrait pouvoir les libérer en grappes affolées, en troupeaux volcaniques, en explosions minuscules.

2 réflexions sur “improbable

  1. De mieux en mieux, j’admire. C’est la grande forme.
    Il manque une virgule quelque part, je vous laisse découvrir où.

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