
Souvent, je fais ce songe où je plonge parmi les ondes froides et claires.
Je dérive, semble-t-il,
à la manière des méduses que transportent les courants.
Je nage, je joue à percevoir ce qui scintille et se transforme en nacre, je mange des reflets, des échos, des chants de baleines; j’entends ce qu’elle font des fontaines et de l’oxygène.
à profusion la fraîcheur et la transparence des vagues, à force je ne suis plus qu’un remous.
De longues heures, je ne suis que la vague du large. Je ne croise rien, pas même un aileron pour fendre la surface, une mâchoire pour se saisir de la chair bleu foncé des profondeurs.

Le soleil incline son regard. Soudain ses mains essayent de se saisir des flots. Mais la mer part. Elle s’éloigne et quand elle revient près des rivages, elle a faim.
Elle engloutit l’écume et les bulles, elle avale tous les pollens, poussières parlant la langue du feu et du soleil.
Elle mange plancton et krill et crie.
Elle me regarde et questionne de son oeil noir et bleu, tranquille et las qu’elle noie dans un silence neigeux de larmes.
Alors je crois qu’il m’est encore possible de regagner les rives et de vivre parmi ceux dont on dit qu’ils sont humains.