
En fermant les yeux, je rencontre la nuit remplacée par les fleurs qui l’embaument. Le sentier du jardin me conduit parmi les feuillages jusqu’à l’endroit où les vagues touchent les rochers et le ciel étoilé dans une seule et même vague.
Comme on jette un filet de pêche, je me lance à la recherche dans l’eau noire et mouvante où nagent les songes, de ce céphalopode immense ou de son ombre. On dit que le monstre possède au bout de chacune de ses huit tentacules un cerveau capable de penser librement. À la place du poulpe, je vois entre les flots mon coeur qui se propulse en ne laissant derrière lui qu’un nuage d’encre luminescente. Au fond de moi peu à peu, le vide laissé par l’animal se remplit de vagues.
Mes phrases s’érodent, mes pensées se perforent, les images se délitent. Il manque de plus en plus de lettres aux mots. Les points de suspension ne jouent plus à évacuer le trop plein de sens. Ils sont comme autant de trous noirs, de coups de marteau pour clouer le silence.
Mon corps au fur et à mesure qu’il engloutit les flots, l’écume, les crinières d’étoiles se vide. Il est inutile de chercher à capturer une histoire en ne montrant que son squelette, même la forêt l’hiver n’exhibe pas comme tellement d’humains sa provisoire défaite.
Tres jolie photo Lieven 🙂