Alex Kim – “Labyrinths”, Painting, Mixed media on canvas, 2011, 120 x 120 x 3 cm
Je me souviens du battement de ton cœur dans ma joue posée sur ton encolure, je me souviens de ta peur de l’hiver, des arbres qui soudain transformaient leurs ombres en spectres et mettaient brutalement fin à ton calme.
Je me souviens de tous tes écarts et de tout ce que tu as fait pour préserver ta liberté. Je me souviens de tes reflets roux aux premières lueurs du printemps, de tous tes contrastes comme des coups de couteau. Je me souviens de ta peau, de ta sueur, de tes rondeurs souples.
Pour t’atteindre désormais, il me faudrait une barque et réapprendre les gestes qui parlent mieux que le temps et l’espace. Il me faudrait trouver la paix, conquérir ses pays ondulant de collines. Alors, aujourd’hui, je me limite à hésiter entre le rêve ou la réalité, à traduire les mirages, à colorer les orages.
Parfois de mes nuits surgissent des étendues qu’aucun horizon ne retient, parfois de ma souffrance naissent des rivières de cris. Des torrents de mots abrutis se tordent à mes pieds, font des nœuds dans ma tête, surgissent incomplets. Je ne sais plus par quelles voies te rejoindre sans me fuir. Je ne reconnais plus nos clairières, nos lacs, nos bras de rivières, nos chemins.
La nuit peu à peu me ronge en grimpant le long de mes jambes. Elle a commencé par avoir des épines et puis elle s’est mise à marcher dans mon dos, à m’abandonner ses petits, à détricoter mes souvenirs.
Parfois de mes journées naissent des nébuleuses. Je ne suis plus certain d’avancer, d’avoir même une route. Dans le doute, je m’acharne à deviner ce que le monde cherche à faire de lui-même. Je m’acharne à palper des couleurs, à tramer des histoires, convaincu qu’il doit bien exister cet autre rivage.